Page 56 Sommaire de la revue N° 29 Page 58

Montagne sacrée ou sacrée montagne

Revue N° 29 Page 57

Profitant de l'arrière saison, en ce mercredi de septembre, je décide de me lancer à l'assaut du Canigou, montagne imposante et sublime qui fait la gloire de la terre catalane. Les Catalans la tiennent en vénération et la chantent dans les deux Catalognes. A ma connaissance, aucune montagne n'engendre autant de passion, et la légende dit qu'elle fut de tout temps considérée comme hantée par des êtres surnaturels, "les Bruixas" et que nul n'osait s'y aventurer. C'est seulement en 1834, que Messieurs Chausenque et Vilanova, Maire de Corsavy, en commencèrent l'ascension.

Chaque année, je me rends sur ses versants au moins une fois. Cette fois-ci, c'est le sommet que je convoite avec au passage, une Porteille à 2590m.

La météo est favorable ; je démarre à 9h 00 de Fillols, petit village du Conflent situé à 4 kilomètres de Vernet les Bains. Mon VTT étant en panne, c'est avec mon routier que je rejoins la piste forestière au col de Milières (842 m). Au début, la piste est pentue, mais, dans l'ensemble roulante. L'été, elle est très utilisée par les 4x4 qui montent les touristes au chalet des Cortalets. Après quelques kilomètres, je parviens au refuge de Balalg (1582 m) et finis par franchir le col des Voltes (1838 m) . Les pourcentages m'obligent parfois à relancer la mécanique en danseuse malgré mon 28x28. Souvent boisée, la grimpée est agréable. Bientôt le refuge du Mas des Cortalets est en vue et, au passage au col du même nom (2055 m), je dois mettre pied à terre ; les lacets étant trop pierreux. Retrouvant une piste plus correcte, je peux rouler en direction du chalet des Cortalets (2200 m) que j'atteins après 13 kilomètres de grimpée. Ici, on peut manger et dormir en toute tranquillité. Il est 11h 15 et, bien plus haut, j'aperçois des randonneurs montés en voiture, en cours d'ascension. Quant à moi, je me dirige vers le GR 10 en poussant mon vélo et rejoins la Font de la Perdrix. A partir de là, le poussage se transforme en portage sur un sentier hors piste bien balisé en jaune et bientôt, un panneau indique "sommet du Canigou 1h45".

Après le passage du pic Joffre (2362 m) , un replat me permet de souffler enfin. C'est à ce moment là que je croise un marcheur assez âgé qui descend et qui semble mal en point : " Je ne puis continuer à cause de mon cœur " m'avouera t-il assez déçu. Finalement, j'atteins la Porteille (2590 m) et après la photo souvenir, je reprends mon ascension. Dans ces lacets raides et étroits, je rattrape des touristes Mayennais, à ce qu'ils me disent, surpris de me voir les doubler avec un vélo sur l'épaule. Gentiment ils s'écartent et alors, je suis étonné moi aussi de voir des personnes d'un grand âge se hisser sur des cailloux instables. Cela ne frise t-il pas l'inconscience ? Mais, ici, je suis mal placé pour en parler.
L'épaule, malgré ma protection commence à devenir douloureuse et le souffle, avec cette chaleur, se raccourcit. Encore un dernier effort et me voilà à la table d'orientation flambant neuve (refaite l'an dernier). Et puis là, tout près, sur le pic, la Croix et l'Etendard catalans marquent le sommet (2784 m). Je suis las et fatigué, mais, heureux, tellement heureux !!!

Je noie mon regard dans cette immensité. La brume cache au loin l'horizon, mais, c'est tout de même fabuleux ! Un jeune couple arrive par la Brèche Durier et est aussitôt sollicité pour la photo qui immortalisera à jamais "mon exploit". Les Mayennais arrivent aussi et il est de mon devoir de leur expliquer que c'est depuis ici, ce pic où est fixé le Drapeau catalan, que tous les ans, dans la nuit du 23 au 24 juin, les "Fogaters" allument les feux, et qui de relais en relais, amènent la flamme jusqu'au Castillet au cœur de Perpignan. Ce jour là, le Canigou devient symbole d'Amour et de Paix dans toute la Catalogne.

Après une descente tranquille, je reviens au chalet beaucoup plus animé qu'à l'aller. Des marcheurs sont à table ; je m'incruste pour un casse-croûte arrosé d'une mousse bien fraîche, mais aussi, bien méritée.

Ah, qu'il est dur de s'arracher à un tel site idyllique où sapins et rhododendrons se mêlent en parfaite harmonie ! La journée est vite passée, mais en m'éloignant, je me promets d'y revenir, mais...par l'autre versant !

Martial GARCIA N°3525

de PERPIGNAN (Pyrénées Orientales)


Page 56 Sommaire de la revue N° 29 Page 58