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Une semaine à Isola 2000

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En cette année 2000, il me fallait frapper un grand coup.

Les solutions ne manquaient pas : 2000 cols en 366 jours, par exemple... Quel challenge ! Ou encore gravir tous les cols français de plus de 2000 m ! Accessible, mais encore ardu. Finalement, j'optai pour un niveau moyen, et en fait de grand coup, mon projet de 10 cols à plus de 2000 m se révélait modeste. Pourtant il avait le mérite de me faire accéder aux 50 cols à plus de 2000 m, ce qui dans l'avenir me permettra, si je le veux (peux) d'atteindre les 1000 cols (soit encore 550) sans être obligé de dénicher des monstres dans tous les coins. Quoique j'aime trop les plus de 2000 m pour m'en passer.

Donc, comme chaque hiver, je planchai sur les cartes et découvris un secteur où je pourrais concrétiser le rêve. Isola (2000 cela va de soi). D'un côté la France, avec le Raspaillon, de l'autre l'Italie, avec un éden au-dessus de Demonte, et au milieu, à la frontière, la Lombarde.

Les deux premiers jours, je me fis les mollets sur celle-ci : c'est nécessaire pour acquérir le coup de pédale montagnard. Puis je me risquai sur la Bonette. Ce fut assez facile jusqu'au Raspaillon (ou Granges Communes). Là, un vent violent et sournois voulut m'entraîner sur la déclivité sans passer par les lacets de la route. Je poursuivis un peu vers la cime, mais Eole se fit plus virulent. Je n'insistai pas, ayant déjà franchi l'obstacle il y a quelques années dans l'autre sens. Seul m'importait le Raspaillon, pas encore comptabilisé.

Vint enfin le grand jour dans le massif de l'argentera (le Mercantour italien) et plus particulièrement le versant droit de la vallée de la Stura di Demonte en remontant le vallone de l'Arma. Je laissai la voiture à Demonte et enfourchai "Mulet des Cimes" mon VTT bleu. Dur comme toujours le départ en côte, mais dès San Maurizio, une zone boisée, égayée par le chant cristallin de l'Arma, atténua l'effet de la dénivellation. Trinita et San Giacomo se succédèrent, le paysage devint plus rude, les arbres se raréfièrent et le reste de la végétation se clairsema, elle devint humble, presque ingrate. Une brume s'épaississant me poursuivait et noyait la vallée derrière moi. De rares marmottes, curieuses d'abord, s'enfuyaient en poussant leur sifflement strident. Après 20 km d'efforts, j'atteignis le col de Valcavera. La route, toujours goudronnée, m'invitait à persévérer vers Castelmagno. J'en profitai pour ajouter le col dei Morti (ou Fauniera) que le Giro a découvert il n'y a pas si longtemps, et celui de Vallonetto. Je stoppai là, gardant pour les années futures le parcours inverse, Caraglio-col de Valcavera.
Je pris quelques photos et rebroussai chemin jusqu'au col initial. Là, je pris plein nord et entrai dans le sublime ; un secteur miraculeux où plusieurs cols muletiers se pelotonnaient douillettement dans une aire réduite. Une courte descente sur un sentier empierré me déposa au pied de mon premier objectif : le col del Mulo. A chaque embranchement, je choisis la voie de droite et débouchai rapidement au sommet à 2527 m. La vue était superbe, une chaîne de montagnes inconnue au loin se découpait ; en contrebas, j'apercevais la route menant du col d'Esischie à Marmora. Un éperon calcaire déchiqueté me dominait : je l'escaladai en partie sous un ciel céruléen. J'y serais bien resté pour toujours. Comme le héros du film "Le grand bleu" qui ne voulait pas remonter à la surface de l'océan, je ne voulais plus redescendre. Pourtant, après une vingtaine de minutes d'extase, je me redressai, fis volte-face et accrochai le col della Bandia avant de poursuivre vers ceux della Margherida et di Cologna, dans un décor époustouflant où des œillets de montagne et de la joubarbe à toile d'araignée éclaboussaient de taches roses la parure verte de l'herbe rase, de la mousse et des lichens qui s'accrochaient aux masses rocheuses blanches, grises ou ocrées. Je n'en écrirai pas plus, allez-y... En fin d'après-midi, je fis demi-tour, mélancolique. Des myriades de marmottes détalaient sous mes roues, je dus ralentir.

Hélas, ma semaine de vacances touchait à sa fin. Pour le dernier coup de rein, j'avais choisi un col mythique : la Moutière. Je ne fus pas déçu, l'ascension par St-Dalmas-le-Selvage se révéla magnifique. La forêt au début, un faux plat au milieu pour récupérer avant d'aborder les lacets terminaux dans un site aride et pierreux. Là aussi, je restai longtemps au sommet à savourer mon plaisir sous le regard étonné d'une marmotte méfiante.

J'espère bien retourner assez vite dans cette région bénie. Il me reste quelques beaux cols à gravir : l'Esischie (2370 m), le Puriac (2506 m), le Gardetta qui succède au Cologna (2437 m), et peut-être aussi le Viribianc (2187 m).

Avant de conclure, je dis également un grand merci à ma mère qui fit le voyage de Bretagne avec moi et à qui le soir je racontais les splendeurs côtoyées.

Christian CAMOZZI N°3733

de SION-LES-MINES (Loire-Atlantique)


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