Pour les initiés, les amoureux de la montagne à bicyclette, les doux-dingues, qui galopent les cols comme certains collectionnent les étiquettes de boîtes à fromages, en un mot pour les membres de la Confrérie des "100 cols", il est un problème de taille qui revient périodiquement sans que la solution jaillisse d'un chapeau : les cols à plus de 2000m. Lorsque dans la famille il n'y a qu'un doux-dingue, passe encore, mais s'il y a le couple c'est l'enfer : "Chérie ça devient juste, tu n'as plus que 8 cols couverts avec tes 2000"; si à cette situation tendue vous ajoutez que monsieur et madame ont d'une part dépassé la soixantaine, et d'autre part, passé tous les routiers de plus de 2000m français, quelques suisses, des italiens, et certains espagnols, vous comprenez que, sauf à "tâter du muletier", l'avenir dans la confrérie est plus que compromis. J'avais un vieux prof qui, il y a bien longtemps, me serinait sans cesse "tout problème bien posé est à moitié résolu"... ce que je traduisais à ma chère épouse par une formule montagnarde : "tu montes dans les cailloux ou nous laissons tomber la Confrérie". Il est des raisons que la raison ignore, c'est bien connu, mais comment concevoir qu'une mamie tranquille, bien dans sa tête, qui se baigne dans 50cm d'eau, et encore, si celle-ci est à 28°, qui regarde "les Feux de l'Amour" en repassant son linge, choisisse la solution dingue, ça dépasse la compréhension du commun des mortels... mais les vrais 100 cols comprendront. Donc lorsque je lui proposai une chasse dans les vallées d'Andorre où 7 plus de 2000m nous tendaient les bras... et les roues, elle a dit " banco ". Et lorsqu'elle s'engage, elle sait de quoi elle parle. Le Parpaillon, La Moutière, la route des crêtes italiennes, elle connaît... oui mais tous ces cols grimpés en vélo de route. Cette fois il s'agit d'emprunter le VTT, le beau qui est dans la cave depuis 18 mois et qui affiche royalement 30 km au compteur. Et encore 30 km dans les chemins tranquilles autour de Nohic. De plus elle connaît bien les règles du jeu. Un 2000m muletier, il démarre dans la vallée. Il ne s'agit pas de grimper, les vélos accrochés à la voiture jusqu'à la fin du goudron (aux environs de 1900 m dans le pire des cas) pour grimper 1 ou 2 km de piste et arriver superbe au col de 2050m en criant : cocorico, je l'ai ! Donc le programme est lancé, reste à voir si techniquement ça va suivre. Il convient de faire un essai "in situ" et mon choix se porte sur la forêt de la Grésigne où certains chemins sont corrects et suffisamment représentatifs pour tester une débutante. Essai qui doit porter sur la piste, mais également sur la route, car l'emploi du VTT sur des pentes goudronnées mais très raides et très longues, peut se révéler un exercice difficile. L'essai débute donc par la côte des Abriols, 4 km de route à plus de 10 %, histoire de voir comment réagit la mule...tière. Il se poursuit par une piste roulante et pas trop pentue, et se termine par une portion très caillouteuse et très raide. Le résultat est mitigé. Côté route et piste, c'est OK, en prenant le temps nécessaire ça passe, côté cailloux, de gros progrès restent à faire. Enfin qui vivra verra, l'opération est lancée. Direction Andorre. Nous ne partons pas tout à fait à l'aventure, en effet une équipe composée de Francis et de Chantal, des références en la matière, nous a précédés et, nantis de leur expérience, nous pouvons programmer nos périples avec précision. Nous allons suivre leurs traces... à notre rythme. Mardi 8 août 2000 (c'est une excellente année pour les l00 cols) : nous débarquons à ce qui sera notre base, le camping de Santa Coloma. Le programme est déjà perturbé car les 15 km de bouchon avant le Port d'Envalira remplaceront le petit circuit prévu. Nous choisissons une balade dans Andorre la Vieille distante de 3 km avec une montée " essai " sur La Massana, histoire de tester les troupes et de voir de plus près deux tunnels signalés sur la carte. Essai concluant, tout semble au point pour le lendemain. Mercredi 9 août : le programme porte sur 4 cols, regroupés dans un rayon d'environ 1 km, et situés au dessus de la station de skis d'Arinsal. Nous sommes à 900m et ces mignons s'échelonnent entre 2432 et 2500m, d'où 23 km de route pour arriver à la côte 2000m, et 5 km de cailloux pour terminer. Il est 8h 30 lorsque nous quittons notre base et le temps est splendide. La mise en condition est excellente car ce n'est qu'à la sortie d'Andorre la Vieille que la route se redresse brutalement. Les VTT, avec des pneus relativement étroits et des développements adaptés, permettent une progression tout à fait correcte. Le tunnel, repéré la veille, est évité en empruntant l'ancienne route abandonnée par les voitures, mais toujours utilisée par les promeneurs, qui peuvent admirer en contrebas une charmante chapelle accrochée au rocher au-dessus du torrent. Passé La Massana, une pancarte alléchante nous indique à droite un petit col situé à 1,2 km, qui pourra être pour ce soir un dessert agréable après le plat de résistance qui nous guette. Nous verrons plus tard la consistance indigeste du dessert. Erts puis Arinsal sont passés sans trop d'efforts, mais les choses deviennent sérieuses pour la montée à la station. La route est belle, le paysage est splendide, mais la pente est maintenant redoutable. Les braquets adaptés et quelques courts repos nous permettent toutefois d'atteindre la station... et la fin de la route dans un état correct. Il est 11h, nous sommes à 2000m et tout là-haut, 500m plus haut, nous apercevons l'échancrure des cols qu'il nous faut atteindre en 5 km, sur une piste large, raide, caillouteuse et crevassée. Le vélo devient presque inutile, mais néanmoins nous le poussons... pour la règle des "100 cols" et pour la descente. Il nous faudra près de 2 heures pour atteindre le sommet, avec toutefois l'arrêt pique-nique sur le bord du torrent, dompté et aménagé par des travaux, peut-être utiles, mais pour le moins inesthétiques. Il fait beau et chaud, mais l'altitude rend la chaleur supportable et les eaux du torrent nous permettent de rafraîchir l'eau des bidons. Restaurés nous reprenons notre ascension et nous sommes confrontés à un spectacle qui nous laisse pantois, désolés pour la montagne si belle, qu'une fois de plus les hommes parviennent à enlaidir. Un camion semi-remorque descend dans les cailloux, dans cette pente dépassant 10,%. Il vient de livrer un engin de terrassement pour la construction des pylônes de la future remontée. La maîtrise du chauffeur appelle notre admiration, même si, enfin arrivés au sommet, l'énorme chantier qui déchire la montagne, nous laisse amers. L'effort de la journée est maintenant derrière nous. Le Portella de les Vaques et ses 2500m est atteint, le chemin pour rejoindre le coll Petit 2432m, le port Nègre 2454m et le port Vell 2491m est relativement facile, même s'il me permet à un moment donné de voir ma vététiste préférée descendre dans la prairie dans une position assez étrange, son VTT la précédant de 3 bonnes longueurs ! |
Nous prenons notre temps et admirons à satiété le spectacle exceptionnel que nous offre la montagne, aussi bien du côté andorran que du côté espagnol, puisque nous chevauchons la frontière. L'avantage du VTT tient surtout au temps qu'il permet de gagner en descente. Alors que nous aurons mis environ 7h, arrêts compris pour monter et faire le circuit des 4 cols, 1h30' suffiront pour rejoindre notre camp de base. Encore convient-il de compter dans ce temps, le fameux dessert signalé plus haut et que je préfère passer sous silence. En effet le petit col facile s'est révélé une sévère vacherie dont madame n'a pas apprécié le charme. Jeudi 10 août : bien reposées, les troupes sont fraîches pour attaquer la seconde partie du programme andorran. Le menu ressemble au précédent avec toutefois des différences notables. Cette fois il y a 5 cols à franchir dont seulement 3 à plus de 2000m, mais ces trois derniers ne sont pas groupés, il y a environ 3 km entre le premier et le second et la même distance pour atteindre le 3 ème. De plus le départ de la montée se fait à Sant Julia de Loria à 900m et le point culminant est au Pic Nègre à 2664m. Comme la veille, 20 km de route pour atteindre la station de la Rabassa située à 2000m environ, et 7 km de piste pour continuer. Comme la veille, départ à 8h30, mais nous quittons le camp en descente. Il fait frais et... nous n'allons pas tarder à nous réchauffer. En effet, dès la sortie de Santa Julia, la route prend des allures d'ascenseur avec un pourcentage effrayant. Sans les braquets des VTT nous serions en équilibre... ou à pieds. Le temps est toujours splendide et la vue sur la vallée magnifique. Nous sommes à la verticale du poste frontière avec l'Espagne et nous observons sur l'autre versant la route qui monte au coll de la Galina. Arrivé à la station je découvre que la buvette-restaurant est ouverte, ce qui n'était pas le cas à Arinsal. Lorsque Josette arrive, j'ai eu le temps d'échanger quelques pesetas contre une chope de bière. La belle route est terminée et nous nous engageons sur une piste correcte qui nous mène au premier col : la collada de Pim à 2140m. Au sommet, nous profitons de l'ombre bienfaisante d'un bosquet de sapins pour déjeuner et prendre un peu de repos. Dès la reprise, nous constatons que nous avons mangé notre "pain blanc" car la galère commence. Nous empruntons un chemin, qui de loin nous semblait cyclable et d'un pourcentage acceptable pour les VTT, mais qui se révèle aussi impraticable que celui de la veille. Nous avançons péniblement le plus souvent poussant le vélo. Arrivés au coll de Finestres à 2407m, nous nous octroyons un long repos. Nous sommes au-dessus de la station et de la vallée et le spectacle est magnifique. La montagne dénudée nous offre des horizons sans fin. Tout est calme, et seuls 2 ou 3 motards viennent un court moment perturber cette tranquillité. Nous devons quitter ce repos car le Port-Nègre nous attend 3 km au-dessus. La piste est toujours aussi raide et défoncée et l'altitude aidant, les efforts sont plus difficiles. Les portions où je peux monter sur le VTT sont de plus en plus rares; quant à Josette elle ne cherche plus, se demandant ce qu'elle fait avec cet engin dans les cailloux. Le Pic Nègre est enfin atteint et le port du même nom avec ses 2605m est inscrit sur nos tablettes. Situation amusante : après ces efforts, il faut encore faire de la gymnastique acrobatique sur le GR pour "descendre" au col qui se trouve en contrebas du pic. Il est marqué en son centre non par une pancarte, mais par une splendide poubelle à couvercle vissant. Compte tenu des difficultés d'approche, le ramassage des détritus doit être annuel ! Nous restons un long moment à flâner, admirant le paysage, essayant de repérer le chemin du retour et la route qui nous rendra à la civilisation, là-bas tout en bas. Comme la veille, le vélo retrouve son utilité lors de la descente. Même avec une piste infecte, nous parvenons à passer pratiquement tout sur le VTT. Josette n'a pas la maîtrise des spécialistes du VCM, (moi non plus d'ailleurs) mais elle se défend très bien sur un engin nouveau pour elle. Le matin j'avais huilé les chaînes... et un peu les jantes. De ce fait je n'ai nul besoin de me tourner pour connaître sa position même si elle se trouve 100m en retrait, le grincement des freins suffit. Si le bruit est régulier, elle est sur le vélo, s'il est intermittent, elle marche à côté ! Le retour à la civilisation commence par un arrêt prolongé à la buvette de la station. Sur la route enfin retrouvée, la descente est un régal. Pour cueillir deux cols sur le retour, nous empruntons un chemin parallèle, mais malgré le détour, il ne nous faut guère plus d'une heure pour retrouver notre camping et sa douche réparatrice. L'expédition andorrane est terminée pour ma cyclote. En ce qui me concerne, avant de retrouver la mère patrie, je souhaite effectuer un circuit d'environ 30 km qui m'a été indiqué par Francis. Vendredi 11 août : Départ à 8h pour cette ultime randonnée du voyage andorran. Comme la veille, descente sur Sant Julia, mais au lieu de prendre une route raide à gauche... j'emprunte une route très raide à droite ! Pour cette montée, qui doit me conduire au coll de la Galina à 1911m à travers un chemin facile, ombragé, bucolique à souhait (dixit Francis), j'ai droit à 14 km de belle route pour atteindre la côte 1400m. Le pourcentage moyen est acceptable, même si la première portion nécessite l'emploi de petits braquets. Arrivé au croisement qui m'indique le sanctuaire de Calonic, je m'engage sur la piste facile. Il est vrai qu'elle est belle et ombragée, à un détail près : en 5 kilomètres, il faut s'élever de 500m. Pour Francis, tout à gauche et on avance, pour moi même, tout à gauche et 'on' s'arrête tous les kilomètres. Enfin, je passe tout sur le VTT et c'est un net progrès sur les jours précédents. Je peine pour progresser, mais je ne regrette pas d'être venu. La piste est vraiment splendide. Tantôt au milieu des sapins, tantôt en corniche surplombant la vallée, elle permet de découvrir des paysages uniques. Le col atteint, il me reste à basculer pour parvenir au fameux sanctuaire. Celui-ci ne me semble pas très remarquable, mais c'est peut être parce que je passe rapidement, sans m'y attarder. Je retrouve enfin une belle route qui me ramène rapidement au camp. Cette fois la messe est dite et faut rentrer au bercail, en rêvant à d'autres balades du même style dans des lieux aussi enchanteurs. Daniel & Josette RANDARD N°3129 & 3130 de NOHIC (Tarn & Garonne) |