Combien de récits n'avais-je pas lus à son sujet, tous décrivant l'apocalypse du cyclotouriste ? Je veux parler du col de Beyrède en vallée de Neste d'Arreau. Aussi, m'étais-je juré d'aller y faire un tour dès que l'occasion se présenterait et c'est un peu avec cette arrière pensée que j'avais décidé d'emmener ma famille en vacances dans les Hautes-Pyrénées en cet été 1998, pour le Beyrède, mais également pour quelques autres. Il n'en manque pas dans le secteur, à découvrir ou à redécouvrir. Voilà longtemps, je lorgnais ce panneau indicateur à la sortie de Sarrancolin et je saoulais mon entourage immédiat avec cette ascension, maintes fois annoncée, toujours repoussée. Cette année, c'était décidé, j'allais le faire. Les vacances se passaient agréablement entre randonnées pédestres et nouveaux cols : (le Pla d'Adet) prolongé jusqu'au col de Portet, le col d'Azet qui n'est pas des plus faciles, lui non plus, quelques Hourquettes, mais, pas de Beyrède. Au soir caniculaire d'un retour de randonnée du côté des lacs de Bastan, alors que l'orage menaçait et que je m'inquiétais de la fin de notre séjour, mon épouse, qui observe une année vélocipédique quasi sabbatique, me déclara tout net : "Au lieu d'en parler, tu ferais mieux d'y aller faire un tour à ton Beyrède". La prenant au mot et bien que le thermomètre affichât 36°, je me lançais à 16 heures bien sonnées à l'assaut du monstre présumé, sachant, par mes nombreuses lectures et par l'observation de la carte, que le traître se met à l'ombre chaque fin d'après-midi. Les 17 kilomètres jusqu'à Sarrancolin furent vite avalés grâce à un opportun vent arrière qui faisait apparaître le faux plat plus faux que d'habitude. Virage à gauche, direction Beyrède-Jumet, changement de rythme et mauvaise surprise: tout de suite, il fait très chaud et la route s'élève rapidement au-dessus de la vallée ; barre à gauche, toute! C'est plus dur que ça en avait l'air. M.... alors ! Mon 32x23 ne va pas suffire; accroche-toi Nanar, tu en as vu d'autres! Non ? Ça passe ; encore heureux ! Virage à droite vers la forêt, la vue sur la vallée en contrebas est superbe ; ouf ! Maintenant, il fait meilleur et l'ascension est devenue relativement facile à l'abri de la forêt. Mais je m'imagine que ça ne va pas durer et j'appréhende la suite... La suite, elle dépasse l'imagination lorsqu'on aborde pour la première fois le secteur des granges d'Estupo vers le kilomètre 8. Planté, que j'étais dans une pente à 17 %, en plus, en plein soleil cette fois et suant sang et eau. Vais-je être contraint à mettre pied à terre pour la première fois depuis des lustres ? Non, finalement, c'est juste un petit coup au moral qu'il s'agit de gérer tout en contrôlant le rythme cardiaque qui a tendance à passer au rouge. Une voiture me double, et...s'arrête deux lacets plus haut afin de faire refroidir son moteur. Je surchauffe aussi et, arrivé à sa hauteur, j'en fais autant pour reprendre mon souffle et boire un peu. Là, je m'aperçois que je n'ai presque plus d'eau ! Ai-je donc avalé mes deux bidons ? J'observe la route et constate qu'il ne me reste que quelques hectomètres à souffrir et là, le plus dur sera passé. Ce court arrêt m'a redonné le moral et du souffle et j'en termine de l'ascension en me permettant de remettre un peu de braquet pour finir sur un 32x19. Enfin, c'est la descente sur Payolle qui me sera presque plus pénible que la montée, car la route est truffée de nids de poules, et les poules d'ici ont une taille d'autruches ; puis il fait déjà très sombre sous la voûte des arbres bien qu'il ne soit qu'à peine 18 heures. |
En passant à la station de Payolle, j'en profite pour remplir mon bidon à la fontaine où des randonneurs m'apprennent que sur le Néouvielle, où nous étions hier avec mon fils, il y a eu un accident mortel ; une jeune fille a dévissé et s'est rompu le cou. Rude montagne ! C'est avec cette pensée que je repars en direction de la Hourquette d'Ancizan que je n'ai pas encore gravie par ce côté, évitant l'Aspin et ses cohortes de bagnoles. De fait, j'arriverai à la maison bien plus tôt que prévu. Mon épouse que je surprends en compagnie de ses casseroles, m'interpelle en ces termes : - Alors, ce Beyrède ? - Ça se . . . monte - C'était bien la peine d'en faire un fromage ! Epilogue : Il est vrai que, hormis la toute première rampe jusqu'au village et les 1500 m du secteur des granges d'Estupo, le Beyrède reste globalement abordable au randonneur un tant soit peu préparé et convenablement équipé en matière de braquets. Il serait plutôt du genre agréable, car il traverse une zone boisée où la circulation automobile est quasi nulle. Rien à voir avec son plus proche voisin, le col d'Aspin, qui peut être intéressant en cette saison, pour un candidat au suicide ou à l'asphyxie, ce qui revient au même. Bien d'autres cols dits d'altitude moyenne, m'ont paru plus difficiles, tel ce col d'Erroymendi qui depuis Larrau n'offre aucun moment de répit tout au long de ses 10 kilomètres, où ce col nouvellement revêtu d'Azet qui n'est pas mal non plus, quel que soit le côté abordé. Et je suis loin d'avoir tout vu ... Bernard FAURE N°3874 de BOUEX (Charente) |