La Haute-Savoie offre 407 cols à gravir dont le plus haut, le col Major culmine à 4 740 mètres et le plus bas, … le col de Bluffy plafonne à 630 mètres d’altitude, près d’Annecy et tout près du château où est né Saint-Bernard de Menthon. Il a donné son nom aux cols mythiques du Grand Saint-Bernard (2 469 m) frontière entre Suisse et Italie et du Petit Saint-Bernard (2 188 m), frontière entre Italie et France. Saint Bernard, canonisé en 1220 a été proclamé par Pie XI patron des alpinistes, des montagnards et donc des cyclomontagnards. Il est honoré le 15 juin en particulier par les chasseurs alpins (selon d’autres sources sa fête serait le 28 mai). La tradition admet la naissance de Bernard en 1008 au château de Menthon et sa mort en 1081 à Novarre en Italie. Bernard, attiré très jeune par la vie religieuse a quitté le château familial la nuit précédant son mariage avec une noble savoyarde de la vallée de l’Isère. La légende dit qu’il s’est sauvé par une fenêtre du donjon alors que le cortège de la promise arrivait à cheval du château de Miolans, Combe de Savoie, à mi distance entre Albertville et Chambéry, au pied du col du Frêne (73-950m). Le château de Miolans qui domine actuellement un vignoble de Savoie sera une prison d’Etat des ducs de Savoie aux 18è et 19è siècles. Son plus célèbre prisonnier, le marquis de Sade, emprisonné en 1772 réussira à s’en évader en se servant de draps noués en corde. Bernard, après sa fuite de Menthon rejoint Aoste où il devient archidiacre de l’évêque. Il a trouvé sa voie en Savoie et sa voix convaincante lui permettra de fonder les hospices du col du Mont-Joux (Grand Saint-Bernard) entre son évêché et le Valais, et ceux du col liant les vallées d’Aoste et de la Tarentaise (Petit Saint-Bernard). Les voyageurs pouvaient alors trouver refuge et échapper aux pillages, à la mort parfois car depuis la haute antiquité les brigands, les Sarrasins y rançonnaient les pèlerins qui se rendaient à Rome. Bernard est l’homme qui délivre les cols des Alpes et les rend sûrs aux voyageurs, permettant le développement du commerce et du pèlerinage des romieux* vers l’Italie. Une partie de l’armée de Charlemagne en 773 avec les troupes franques dans l’expédition contre Didier, roi des Lombards, puis Bonaparte avec l’armée d’Italie les 14-15 mai 1800 avec 40 000 soldats, 6000 chevaux et 40 canons dans la neige ont aussi franchi le col du Grand Saint-Bernard. Henri IV, Stendhal, Paul VI et Jean-Paul II sont cités parmi les célébrités qui ont passé le col. Les chanoines de Saint-Bernard poursuivent l’œuvre initiée par Bernard et accueillent les randonneurs à pied et en vélo dans leur hospice érigé au col du Grand Saint-Bernard, un des plus beaux symboles de l’hospitalité montagnarde qui ne laisse pas indifférent. Ils y ont créé par métissage et adaptation le chien Saint-Bernard, qui a secouru tant de voyageurs en péril. La réputation du Saint-Bernard qui deviendra le chien national suisse a été faite par les témoignages des soldats napoléoniens. Un chenil et un musée se visitent à l’hospice après qu’on se soit donné parfois un mal de chien pour y parvenir en vélo, mais avec quelle fierté. |
Le modeste col de Bluffy, que tous les cent cols d’Annecy ont à leur palmarès est sous la garde du château de Menthon (en celte, signifie «la tour sur le rocher») qui avait trois tours au Moyen-Age : la tour du lac, le donjon et la tour des armes qui surveillait notre petit col à 500 mètres, trop loin pour un tir d’arbalète. C’est peut-être de la tour du lac que Bernard a quitté le tour du lac d’Annecy-le-Neuf où résidait alors le comte de Genève. Le château des comtes de Menthon est un des sites remarquables du cyclotourisme en Haute-Savoie. Il est digne des plus beaux contes de fée et domine le lac, face à Saint-Jorioz. On imaginerait voir sur le donjon une princesse, «petite reine» de Savoie, regardant un enviable panorama avec le lac et par delà le massif des Bauges, les dents de Lanfon, le Parmelan, le mont Veyrier. Une vieille cuisine depuis le XIIIème siècle y accueillait les pèlerins vers Rome ou Saint-Jacques de Compostelle. Le Col de Bluffy fait face sur la carte au Grand Saint-Bernard par le col de la Croix-Fry (74-1467m), des Aravis (73-74-1486m), la Vallée Blanche et l’Aiguille du Midi. Il s’aligne sur le Petit Saint-Bernard par le col du Marais (74-843m), le col des Saisies (73-1633m), le col du Bonhomme (73-2329m circuit pédestre Tour du Mont Blanc) et le col des Fours (73-2665m sentier G.R.). Il existe un projet de réhabilitation des hospices du Petit Saint-Bernard bien mis à mal lors de la seconde guerre mondiale. Le col de Bluffy est la porte entre le lac d’Annecy et le massif des Aravis. Il est sur le tracé pédestre du tour du lac par les cimes. Je le baptise col du « Tout-Petit Saint-Bernard » car le col le plus bas du département le plus haut d’Europe est moins offensé par le «Tout Petit» qu’honoré par le «Saint-Bernard ». Cela colle bien avec sa géographie, et ce toponyme évite de se faire une montagne à le gravir. La suggestion est parvenue aux actuels députés des circonscriptions d’Annecy… ils s’appellent tous les deux Bernard**, comme 99 confrères cent cols du palmarès de la revue 2004 ; elle est parvenue aussi au maire Antoine de Menthon, descendant de la dynastie qui occupe le château depuis plus de 10 siècles. Le triptyque des 3 cols englobe géographiquement le Mont-Blanc, fierté du territoire haut-savoyard. En 2008, Menthon va fêter le millénaire de la naissance de Bernard et peut-être qu’un troisième col portera haut son nom près de son château natal ! Tout Petit Saint-Bernard, toute petite chose de la vie de la petite reine. * Romieux : pèlerins vers Rome ** Bernard Accoyer (1ère circonsription) et Bernard Bosson (2ème circ.). Bernard Corbet CC n°5364 |