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Concentration du 15 août 2004 au col de l’Echelle

Revue N° 33 Page 29

Il était 16h30, les lampions de la fête étaient éteints.

Quelques retardataires finissaient des discussions byzantines sur la Règle du jeu alors que d’autres, qui avaient pris grand soin de leur réhydratation, terminaient une profonde sieste. Les plus frais et les plus courageux (et ils étaient les plus nombreux !) avaient depuis longtemps repris leur vélo pour grimper au col des Thures sous la conduite d’Alain Gillodes et Marc Liaudon.

Nous redescendions gentiment vers la vallée de la Clarée lorsque nous avons rencontré un jeune cycliste qui s’élançait à pleins poumons dans les derniers hectomètres du col de l’Echelle. Il y avait dans son regard tout l’enthousiasme et le plaisir de l’effort gratuit.
Le lendemain, alors que j’en finissais avec l’Izoard, un autre jeune cycliste m’a rattrapé, au terme d’un sprint échevelé. Arrivé à ma hauteur, il a gentiment ralenti l’allure et m’a tenu compagnie pour les derniers kilomètres. Il était parti le matin même de Saint-Véran, avait remonté la vallée de la Durance jusque Briançon puis avalé l’Izoard. Juju, âgé de 14 ans, roulait sur le vieux « dix vitesses » de son papa qui l’avait laissé filer à Cervières, ne pouvant plus suivre son rythme. Il me racontait ses ascensions, sa Croix de Fer qu’il me détaillait kilomètre après kilomètre, son Alpe d’Huez, sans doute la plus mythique mais pas la plus belle, me disait-il.

C’est dans le regard de ces deux gamins que j’ai le mieux perçu ce qui nous rassemble toutes et tous et ce qui nous avait fait grimper au col de l’Echelle en ce beau dimanche d’août : le plaisir d’escalader, d’aller voir de l’autre côté de la montagne, au-delà de cette dépression entre les sommets qu’on appelle un col.

Une fois de plus, la concentration annuelle du Club des Cent Cols a été un grand moment d’amitié. Les choses avaient commencé dès le samedi, la montée vers le col des Gondrans constituant en quelque sorte une répétition générale. Le dimanche 15, sous un beau soleil, les cyclos se sont élancés depuis le CRET de Briançon jusqu’à la prairie du col de l’Echelle. Certains ont fait le détour par le col de Montgenèvre et le Collet adjacent, par une grand route qui était pour une fois bien calme, plus calme même que celle de la vallée de la Clarée qui semblait être devenue le rendez-vous de tous les Briançonnais en quête de fraîcheur. D’autres, plus avisés, avaient fait le choix d’un parcours VTT.

La concentration de cette année était placée sous le signe de l’amitié franco-italienne. Le col de l’Echelle, à cheval sur la frontière, avait été choisi dans ce dessein. Le long verre de l’amitié en fut une belle démonstration puisque, au pain et la tomme de Savoie fournis par la Confrérie, se mariaient le vin rosé offert par Carlo Alberto Goria et le vin blanc de Gaston Morello.

Après la signature du livre d’or, condition sine qua non pour obtenir la casquette souvenir, Claude Bénistrand prit la parole et, tel un nouveau Jean-Paul II (« habemus papam », nous aussi !), souhaita la bienvenue dans toutes les langues de la confrérie. Cela allait du français à l’italien en passant par l’allemand, l’anglais, l’espagnol et même le néerlandais (presque sans accent !).

Il est vrai que les pays étrangers étaient bien représentés avec une forte délégation d’Italiens venus en voisins et emmenés par Luigi Spina (Gianni Solenni avait dû écourter sa présence pour des raisons professionnelles), les Suisses de Pierre Mai, le couple Brenner venu d’Allemagne, les Belges emmenés par Germain Geenens et Pierre Vandewalle, le Canadien de service (mais le toulousain Mario Labelle n’est-il pas devenu un authentique « frenchie » ?), le Luxembourgeois Emile Hubert qui allait nous régaler d’un beau poème et tous les autres.

Entouré de son équipe et des anciens dirigeants, Claude Bénistrand nous tint un fort beau discours. Il y détailla les particularités de ce col situé sur une frontière politique et hydrologique et qui doit son nom au profil particulièrement escarpé de son versant italien. Il évoqua aussi sa place dans l’histoire, la grande, celle des « Escartons », mais aussi la petite, en nous révélant que les ancêtres de Nicole Poty avaient vécu dans cette région frontalière avant d’émigrer vers la Savoie. Il lui remit un cadeau souvenir bien mérité tant son dévouement est grand.
Quelques membres furent félicités pour leur admission au club tandis que d’autres voyaient leur progression au tableau d’honneur récompensée tel Alain Gillodes qui se vit remettre un diplôme pour 4000 cols franchis.

Claude Bénistrand remit le fanion de la confrérie à Dominique Lamouller comme il l’avait fait un peu plus tôt pour Gianni Solenni. Le président de la FFCT nous apporta le bonjour de la fédération en soulignant l’importance et la vitalité des confréries qui s’occupent de cyclotourisme. Luigi Spina répéta l’attachement des italiens à la confrérie et à la Règle du jeu, soulignant à quel point la recherche de nouveaux cols apportait un supplément de motivation à notre pratique.

Le soir, Didier Rémond nous offrit une belle projection de diapositives qui permettait à chacun de prendre connaissance du programme muletier des jours suivants.

Le lundi, comme il fallait bien s’y attendre, un grand nombre de participants avaient opté pour le circuit VTT des Crêtes de l’Assietta. Comment résister à l’attrait de treize cols à plus de 2000 ? Tous ceux qui ont fait ce choix sont revenus avec les yeux remplis de paysages grandioses.
Quelques-uns avaient plutôt opté pour la très belle et très rude ascension du Col des trois frères mineurs, emmenés par Marc Liaudon et René Poty. Chantal Peroz en garde un souvenir très ému (« silencieux, minéral, beau à jamais », écrit-elle).

Le circuit routier fut moins couru, mais avait tout de même attiré les chasseurs de BPF (dont le tandem de Dominique Lamouller) qui se sont retrouvés à Saint-Véran pour la quête du coup de tampon après avoir cueilli celui de l’Izoard. Mario Labelle et moi-même nous souviendrons longtemps du refus indigné que nous infligea un aubergiste atrabilaire.
Odette et Pierre Bastide n’avaient pas craint d’affronter le géant du Queyras par le rude versant de Brunissard, en faisant le circuit en sens inverse.
Le président Bénistrand et Luigi Spina galéraient dans le même secteur en grimpant le col des Ayes et le col Perdu.

La soirée fut l’occasion de réviser nos connaissances historico-géographiques. 35 questions mitonnées par Didier Rémond nous ramenèrent à plus de modestie, les meilleurs (les « professionnels » du comité !) se contentant de 26 bonnes réponses tandis que, du côté des amateurs, Marc Liaudon et votre serviteur chutaient dix fois, par exemple sur un col des îles Kerguelen ou sur la meilleure manière de monter le Chaberton.

Hélas, la journée de mardi fut gâchée par la pluie et dès potron-minet, les mines se faisaient longues. Il n’était guère question de s’embarquer sur le circuit des Rochilles ou de faire le Granon et ses satellites dans ces conditions. Plusieurs réembarquèrent donc illico, allant chercher le soleil un peu plus loin tandis que d’autres croisaient les doigts en attendant que l’averse passe, ce qui finit par arriver dans le courant de la matinée et permit aux plus patients de rouler vers le secteur sud de Briançon.
Sans doute entendrons-nous bientôt les récits épiques des quelques confrères qui, contre vents et marées (j’exagère un peu !), mirent le cap sur quelque « 2.000 » oublié et noyé dans la brume.

Promis, juré, le soleil sera intégralement au rendez-vous de 2005. Et s’il n’est pas dans le ciel, il le sera certes encore une fois dans nos cœurs !

Fernand Yasse

CC n°3680


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