Page 19b Sommaire de la revue N° 33 Page 21

Mosquito pass

Revue N° 33 Page 20

Début décembre 2003, un message de Robert de Rudder annonçait, sur la liste de diffusion, qu’un « train » de trois chasseurs de cols proposait une quatrième, voire une cinquième place, pour un périple au Colorado prévu pour les mois de septembre et octobre à venir. Le message précisait que l’objectif était de gravir des cols, des cols et … encore des cols.

Ma mémoire se contentait d’enregistrer le message qui, sournoisement, faisait son chemin et, fin décembre, alors que je gravissais en Catalogne espagnole les modestes derniers cols de ma liste 2003, sur mon vélo, irremplaçable support à la réflexion et inégalable stimulant à la prise de décision, je décidais de proposer ma candidature pour ce séjour aux Etats-Unis. Mon entourage, consulté, n’émettant pas de réserve majeure, j’envoyais à Robert une réponse favorable à son offre. C’était le début de l’aventure !

Après les préparatifs d’usage, consistant pour l’essentiel au repérage, sur la carte Delorme du Colorado (procurée directement aux USA par Internet), des cols énumérés dans la liste mise au point par Marcel Goll et généreusement distribuée par notre confrérie, nous atterrissons à Denver le 23 août. Nous sommes quatre : Jean-Pierre Decouty de Pessac, Robert Dervaux de Romilly-sur-Seine, Robert de Rudder de Grenoble et moi-même. On pourra lire le compte-rendu plus exhaustif de ce voyage sur le site des Cent Cols.

L’Amérique ! Tout est plus grand, tout est plus haut, tout est carré (depuis les croisements des rues jusqu’aux mâchoires musclées par le chewing-gum). Le bruit et le poids ne gênent pas. Enfin un autre monde, le nouveau monde !

Le retour en France, billet en poche, est prévu pour le 26 octobre. Cela nous laisse plus de soixante jours pour « tutoyer » le maximum de points convoités et préalablement repérés dans les Montagnes Rocheuses.

La «Continental Divide », cette ligne de partage des eaux Atlantique/Pacifique qui court depuis l’Alaska jusqu’à la Terre de Feu (d’après les panneaux), sera grimpée plus de 20 fois, nous permettant d’inscrire sur notre liste, des cols prestigieux largement au-dessus de la barre des 2000 mètres que, rien que pour la musique des noms, je citerai dans l’ordre :

- Milner Pass (3279 m) (au-dessous de Roc Cut (3694 mètres)),
- Campion Pass (4011 mètres, avec la montée au Mont Evans à 4348 mètres point culminant de notre périple),
- Independence Pass (3686 mètres) (prestigieux),
- Monarch Pass (3445 mètres) (accueillis au sommet par la première neige (21 septembre),
- Hayden Pass (3264 mètres) (très très cher !),
- Marshall Pass (3310 mètres) (adorable de douceur).

Il est de grands cols qui nous marquent profondément et que nous citons spontanément tant notre mémoire a été impressionnée. Sans être très original, je pense au Port d’Aula, au Parpaillon, au Jandri, au Stelvio, à l’Iseran, au…Pas des Gosolans, que je conseille vivement (ES-B-2430).
La plupart des cols que nous avons gravis au Colorado passent au-dessus des 2000 mètres, cette barre sanctifiée par la règle des 5% et dont John Wilkinson nous confiait qu’elle l’avait beaucoup étonné : sa première liste ne devait pas comporter de col à moins de 2000 mètres ; il n’en avait pas trouvé ! John Wilkinson est citoyen américain, il est membre du CCC et réside près d’Aspen. Il nous a aimablement conviés à une soirée « barbecue » qui nous a aidés à mieux comprendre le pays.

Nous avons gravi plus de 160 cols dont 60 à plus de 3000 mètres et 2 à plus de 4000 mètres. J’ai parlé de l’incontournable Campion Pass (4011 mètres) au pied du Mont Evans. L’autre « 4000 », c’est le Mosquito Pass (4019 mètres).

Objet de cette modeste contribution à la revue 2005, ce magnifique grand col a profondément imprégné mon souvenir.

Au pied de la côte qui y conduit un panneau en forme de diligence nous apprend que cette piste a été construite pour le passage de la diligence joignant Denver et Leadville. Il fallait une détermination certaine pour oser faire passer une diligence à plus de 4000 mètres d’altitude et, en montant, dans les cailloux (tantôt sur le vélo (22 x 32), tantôt à pied) sur des rampes souvent supérieures à 10%, j’imaginais une diligence, tirée sans doute, par un grand nombre de vaillants chevaux qui devaient connaître la route et « souffler » à l’approche du point de basculement . Il me serait agréable d’en voir une reconstitution, ne serait-ce qu’au cinéma !

Au passage, la piste dessert plusieurs des nombreuses anciennes mines d’or du Colorado, aujourd’hui abandonnées, témoins de l’opiniâtreté des premiers successeurs des « natives ». Un kilomètre après la dernière mine, la piste change de versant en franchissant un très beau col géographique, non nommé dans le catalogue et évoqué par Frédéric Ferchaux. On est alors versant sud avec un panorama complètement différent et beaucoup de neige, y compris sur la piste.

De là, on devine le large passage sommital. Il doit rester 3 kilomètres pour l’atteindre. Au sommet, copieusement enneigé (nous sommes le 10 octobre 2004), un vent glacial nous laisse juste le temps de nous habiller et de prendre la photo souvenir avant de plonger dans la vallée.

Souvenir inoubliable que la montée vers cette belle et large échancrure à plus de 4000 mètres. Grand moment d’émotion durable qui, à lui seul mérite le déplacement.

Je souhaite que la quête infinie qui conduit vers des endroits toujours inédits me procure encore quelques uns de ces moments d’émotion. La recherche des cols nouveaux et leur atteinte est une jouissance purement intellectuelle. Elle se situe au-delà de ce que l’on peut éprouver avec le plaisir de l’objectif atteint et la satisfaction rencontrée au bout de l’effort.

L’effort physique s’efface devant ces grands moments.

René Marty

CC n°1956


Page 19b Sommaire de la revue N° 33 Page 21