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La pastille verte

Revue N° 31 Page 58

Un curieux personnage, doté de minuscules cornes et de petites ailes de chauve-souris n'arrête pas de me susurrer à l’oreille :

- Tu ne vas tout de même pas envoyer une liste de nouveaux cols réduite à l'unité. Ce col de l’Esse que tu mettais de côté en cas de disette n'est pas particulièrement glorieux. Alors fais un effort que diable !

Cédant à l’odieux chantage, j’ose suggérer à ma douce moitié :

- Dis donc... si nous allions faire un petit tour dans le nord des Vosges. Je pourrais prendre le vélo et gravir quelques cols. Qu’en penses-tu ?
- Pourquoi pas ? Nous pourrions même demander à Jacqueline et Serge de nous accompagner car ce n'est pas toujours drôle de t’attendre en des endroits invraisemblables ou de jouer à Pénélope dans la chambre d’hôtel.

Et nous voilà tous les cinq sur la RN4, cap à l’est. Quatre dans la voiture et le cinquième sagement arrimé sur le dispositif adéquat. En ce dimanche d’octobre la route est déserte et si ce n’était un léger bruissement éolien se transformant en rugissement digne des quarantièmes dès que la vélocité atteint les 110 kilomètres à l’heure, tout irait pour le mieux. Notez que le système pourrait être breveté comme limiteur de vitesse. Après moult tâtonnements et des essais de configurations différentes, la progression ne devient confortable qu’après avoir dépassé Nancy.

Le lendemain matin, exécution capitale de cinq cols. Bien qu’innocents, ils succombent sous l’oeil admiratif de mes compagnons de voyage. Il faut dire qu’après des années de rodomontades ils mouraient d’envie de vérifier si mes prétendus exploits n’étaient pas surfaits.
Praye, Donon, Entre les Deux Donon, Côte de l’Engin et l’Engin en offrant un minimum de résistance (mais cela je suis le seul à le savoir) me permettent de briller sans trop d"efforts. Comme le temps est de la partie nous en profitons pour aller pique-niquer au sommet du Donon à proximité du temple de Mercure.

Le jour suivant, alors que nous nous affairons à hisser le vélo sur la voiture, afin de rejoindre Obersteigen, au pied du col de Valsberg, Serge s’étonne soudain :

- Dis-moi René. Est-ce normal que ta roue avant soit aussi noire ?

Effaré, je constate la présence d'une épaisse couche sombre de suie grasse et tenace couvrant les sublimes décalcomanies que, dans un bel élan de générosité, Monsieur Mavic a crû utile de doter ses jantes. Comment expliquer l’étrange phénomène : Petits hommes verts ? Terroristes mésopotamiens ? Pollution atmosphérique ?

Je dois admettre l'évidence : La roue dans l"axe de la sortie du tuyau d"échappement est la seule explication plausible. Dire que Monsieur Citroën affirme que ses moteurs HDI sont propres et participent à la protection de l’environnement. Avec le nombre de bagnoles circulant sur les routes je n’ose pas penser à l’état de nos poumons. Si ces derniers sont à l’image de ma roue je me demande où vont respirer les centenaires.

Merci la Pastille Verte.

René Codani

CC 1882


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