Je souhaite à vous tous, confrères cent cols, de rencontrer l'esprit des cent cols, au col du Pratazanier ou ailleurs... Pentecôte 2002. Le hasard fait que je passerai le week-end à Neyrac-les-Bains, au sud de l'Ardèche avec la perspective d'une demi-journée consacrée au vélo.Aussitôt, je saute sur la «Michelin 76» déjà bien annotée. Du côté des plus de 1000 m, il y a la tétralogie Chavade, Pendu, Meyrand, Bauzon mais elle figure déjà dans ma collection depuis 1987. Il y a une kyrielle de cols autour d'Aubenas - Vals-les-Bains mais tous en dessous des 1000 m et j'aurais préféré un menu plus consistant en préparation à «l'Ardéchoise». Il ne me reste qu'un espoir avec les récents additifs du Chauvot... Oui ! Voici un 1222 m : le col du Pratazanier. Rien que le nom déjà est plaisant : la décision est prise, c'est là que passera mon circuit, estimé à une centaine de kilomètres pour 1800 à 1900 m de dénivelée. Le 19 mai au matin, je pars donc avec La Croix de Millet (07-0776) comme mise en jambes. Je cueille sans gros effort le Suchet (07-0483b) et la Croix de Rocles (07-0476) avant d'atteindre Valgorge et la montée vers Loubaresse. Loubaresse : c'est de là que part la petite route à gauche, tracée en pointillés rouges et blancs sur la carte et qui, en huit kilomètres environ, devrait atteindre le Pratazanier convoité. Loubaresse est à plus de 1100 m. Le Pratazanier à 1222. L'aller-retour ne sera qu'une formalité. Je m'engage sur la route étroite où un relief bosselé ne permet pas, dans un premier temps, de deviner la suite du parcours. Ce n'est qu'après quelques centaines de mètres que je m'arrête, époustouflé. Le Pratazanier est là, en face de moi, col géographique indiscutable, au milieu des genêts en fleurs. Oui mais, ce que je n'avais pas prévu, c'est que, pour le rejoindre, il faut plonger au fond d'un vallon profond et remonter la route en lacets qui serpente, parfaitement visible, sur l'autre versant ! Et puis surtout, il faudra revenir, replonger avant de regrimper la route en pente sévère devant mes roues ! J'hésite. Aurai-je le temps ? Aurai-je les jambes pour ce surplus de grimpette ? |
Devrai-je renoncer, alors que le col me tend les bras ? Tant pis. J'y vais. Sinon je le regretterai. Et je ne l'ai pas regretté : il y avait dans ces 8 km de route un concentré de tous les plaisirs qu'on peut rencontrer sur sa machine. Une route pentue et sinueuse, certes pas toujours en bon état mais suffisamment étroite pour n'y croiser que deux rares automobiles. Les fleurs, les senteurs, les bruits de la nature d'un printemps épanoui. Le village de Borne, qu'on découvre au dernier instant, étagé à flanc de vallon. Le petit pont de pierre avec vue imprenable sur le château. Un troupeau de moutons, sous l'oeil vigilant d'une jeune bergère et de ses chiens, occupe la route pour me rappeler que le temps s'écoule ici à une autre vitesse, dans le calme, la paix et la sérénité de ce paradis jaune de genêts en fleurs. Bien sûr, le retour et la fin du parcours seront difficiles, accusant les 2600 m de dénivelée. Bien sûr, mon corps gardera plusieurs jours la trace de ces efforts supplémentaires. Bien sûr, je ne serai pas rentré au moment où le reste de la famille passera à table. Mais qu'importe ! J'étais serein. J'avais l'impression d'avoir découvert un lieu inaccessible au commun des mortels, que seuls quelques privilégiés - randonneurs à pied, à cheval ou à vélo - en communion avec la nature, pouvaient apprécier à sa juste valeur. Et qui était l'instigateur de ce prodige ? Le Club des Cent Cols. L'esprit des cent cols avait tracé ma route. L'esprit des Cent Cols m'avait poussé à aller jusqu'au bout. L'esprit des Cent Cols habitait ce jour-là le col du Pratazanier... Daniel Sauzet CC 3752 |