Mon histoire s’est passée il y a quelques années, c’était un 22 juillet peu importe l’année mais il faisait chaud, très chaud. Ce jour là, j’ai travaillé de 4 à 12 heures (travail posté s’entend). Sitôt le repas de midi avalé, il est hors de question de s’attarder à table afin de ne pas piquer le nez dans l’assiette. Il est hors de question aussi, de faire une quelconque sieste qui, immanquablement perturberait le sommeil du soir et le réveil à 3h20. Solution choisie : «partir faire un tour». L’itinéraire est vite tracé; je descends la petite vicinale qui passe devant la maison (partir en montant, c’est trop raide) et arrivé en bas, c’est soit à droite, soit à gauche et ainsi de suite suivant les humeurs et les inspirations. La Bauche, Attignat et j’arrive ainsi sur la rive Est du lac d’Aiguebelette. Tous les vacanciers semblent s’être donné rendez-vous ici, pas un coin d’ombre de vacant, il fait chaud et je transpire abondamment. Je roule suivant le principe : plus ça va vite, plus ça fait de l’air et donc le nez dans la sacoche ! Paradoxe; plus ça va plus vite, plus c’est plus dur, plus ça fait plus chaud et plus ça fait plus suer. Yenne, Lucey, Chanaz... Je croyais qu’ils étaient tous au lac ! Les touristes abondent également ici. Dans cette canicule, ils se tiennent au frais, à la terrasse des cafés, mangent des glaces en regardant accoster les bateaux venant du lac du Bourget. Je fais le plein d’eau dans le lavabo des toilettes et en route. Je ne suis pas en vacances, moi ! Je longe le canal de Savière, j’adore cette petite route. Je salue de la main les plaisanciers qui rôtissent sur les bateaux et qui me hèlent au passage. Sympas, tout de même ! Une idée me vient : je vais monter au belvédère ! Conjux, St-Pierre-de-Courtille et, là, ça ne rigole plus, ça grimpe d’un coup, c’est du deux chevrons Citroën; je ne transpire plus, je ruisselle, je dégouline de partout. Peinard tout de même, pas de voitures, il doit y avoir du monde là haut à la buvette, sous les tilleuls ! C’est pour moi chaque fois un émerveillement ce belvédère, tout d’un coup comme une émeraude dans son écrin, le lac apparaît à vos pieds. A la verticale, en se penchant un peu, l’abbaye de Hautecombe toute blanche se rafraîchit les pieds dans l’eau. En face, là haut c’est la Chambotte, un peu à droite le Revard, et tout en bas, en dessous, Aix-les-Bains. Et cette magnifique baie de Grésine. |
Dans le grésillement de la chaleur, je suis tout à mes pensées car la pente est moins rude maintenant. Une voiture s’est enfilée là, à l’ombre sous les chênes rabougris. Un jeune couple et un enfant sont allongés sous les buis et, avec eux, une dame, la cinquantaine, qui soudain, s’avance rapidement à ma hauteur, l’air hagard, échevelée et les yeux exorbités, elle me crie : «Faut t’y aimer s’faire souffrir !». Coup de tonnerre dans la canicule ! Interloqué; deux tours de pédales plus loin, je réponds : «oui, ça fait tellement du bien !». Pourquoi faut-il que cette dame s’en prenne ainsi à moi ? Venir me cracher comme du venin au visage cette phrase qui martèle ma tête : «faut t’y aimer s’faire souffrir !». Un gros nuage noir dans mon ciel d’été. Venir me gâcher ainsi ma journée, je ne lui ai rien fait, moi ! Ma réponse aussi me heurte. Me suis-je arrêté au belvédère ? Je ne sais plus. Par quels chemins suis-je rentré ? Je ne sais pas non plus et ça n’a pas d’importance. Depuis ce temps, cette scène me hante, me taraude… Mais alors… Vous aussi, chasseurs de cols, vous prenez du plaisir dans la souffrance et la collection est une bonne excuse ! Aïe, aïe, aïe ! Ouille ! Oh là là ! Quels tollés, quelles levées de boucliers, je vous vois d’ici protestant. Oui, oui, je sais ! Si vous roulez à vélo, c’est pour prendre l’air, vous oxygéner la tête, faire du sport, du tourisme et vous êtes même des contemplatifs ! Arrivé au sommet, faut souffler un peu ! En résumé, c’est pour vous faire du bien, vous faire plaisir, non ? Vous n’êtes pas d’accord ? Alors, expliquez-moi comment vous faites pour monter les cols sans peiner, sans souffrir et aussi pourquoi vous les montez ? Ceci sera peut être ma thérapie. Au revoir chers amis et à la prochaine. Bernard Monnin CC 5041 |