Depuis l'aube des temps, ton cône solitaire
Domine la Limagne et sa fertile terre.
Tu ne te doutais pas, mon cher géant des Dômes,
Ce qu'allait t'apporter l'apparition des hommes,
Car, tu as toujours su attirer les humains !
Tu vis monter jadis, les conquérants romains
Qui, très vite, séduits par la beauté des lieux,
Elevèrent un temple en l'honneur de leurs dieux.
Plus tard, grâce à Pascal et à son expérience.
Tu apportas ta pierre au progrès de la science.
Un avion vint un jour se poser sur ta tête,
Un train monta aussi, pour être de la fête.
La taille sur tes flancs, d'une superbe route,
Va changer ton destin bien plus que tu ne te doutes.
L'auto, et c'était fatal, allait entrer dans la danse,
T'apportant tourisme et vapeurs d'essence.
Le vélo hésitait ; peut être avait-il peur
De ne pas se montrer, le pauvre, à la hauteur.
Mais, tout allait changer, car, voilà qu'un jour,
Tu accueilles Coppi et les géants du Tour.
Depuis, les cyclos ont voulu te connaître.
Tous les ans, en été, tu les vois apparaître.
Au départ de Clermont, certains semblent soucieux,
D'autres, timidement, lèvent vers toi les yeux. .
Plus de mille sont là, sur la place des Bughes
Pour voir si, de leur forme, ils ont été bons juges.
Ils sont venus te voir de tous les coins de France,
Le moral au beau fixe et le cœur plein d'espérance.
Ils massent leurs mollets, remplissent leurs bidons
Et mettent à manger dans leur sac de guidon.
Tu regardes la scène avec indifférence
Et peut être, as-tu alors, des envies de vengeance.
Tu les vois tous, ces candidats au martyre,
Prendre quelques photos juste avant de partir.
Le choix est bon par excellence, car, à la vérité,
C'est plus sûr qu'au sommet, pour la postérité.
Et tous de s'élancer, pédaleurs de tous âges,
Par des chemins divers, direction le péage.
C'est par là que l'on finit le hors d'œuvre copieux
Pour s'attaquer au " plat " autrement plus sérieux.
Avec tes douze pour cent, ce n'est pas dans la poche ;
Même en prenant bien soin de mettre le tout à gauche.
Quel spectacle étonnant, riche et haut en couleurs
Que ces cyclos bloqués à sept ou huit à l'heure !
En voici un, vidé, zigzaguant sur la route :
N'a-t-il pas oublié de bien casser la croûte ?
Le suivant, c'est pas mieux ; le nez dans la potence,
On entend ses poumons qui rythment la cadence.
Celui-ci n'a pas fait le bon choix de pignon ;
Il a sur son vélo les braquets de Fignon.
Il ne peut aller loin, et malgré son courage,
Il devra s'arrêter, les dents serrées de rage.
Celui-là, est K.O, assis sur le talus,
Vidant son estomac de tout le superflu.
N'oublions pas celui qui cache sa panique
En feignant l'irréel incident mécanique.
La plupart, cependant, montent sans trop d'efforts
Et n'en démordent pas d'arriver à bon port.
Il y a quelques bons qui grimpent comme des chèvres,
Le regard scintillant et le sourire aux lèvres
Beaucoup termineront en jurant que l'an prochain
On ne les reverra plus sur ce maudit terrain.
La fatigue oubliée et le cœur moins hostile,
Ils reviendront quand même, reconquérir l'inutile.
Depuis vingt ans déjà, je suis aux rendez-vous
De l'été, sur tes flancs. C'est très dur, je l'avoue.
J'ai vécu des montées marquées par la souffrance
Où le mot arrivée ne signifiait que délivrance
Mais, il y eut aussi, comme pour les bons vins,
De très grandes années et des instants divins.
Avec le même trac, avec la même envie.
L'an prochain, j'y serai.... Si Dieu me prête vie.
Guy BONNET N°4077
d'ORCINES (Puy-de-Dôme)
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