Notre "bible" (le grand CHAUVOT 8500) le dit et le précise, trois cols pédalables donc homologables se situent sur l'île de PORQUEROLLES) dans l'archipel des îles d'HYERES (Var). Oh ! bien sûr, avec leurs altitudes ne dépassant pas 100 mètres, ça n'est pas le Mont Ventoux ou autre Hautacam, non !... Ce sont des cols tout de même ! Mais fi des alpages et des neiges éternelles, c'est décidé : je vais me les coltiner ces trois homologables à ras du bitume ! Bien calé à l'avant du bateau navette qui relie la presqu'île de Giens, depuis le petit port de la Tour Fondue à l'île de Porquerolles, je la regarde cette île plantée là, au beau milieu de la grande bleue, elle ne me parait pas bien haute : je vais me les avaler illico-presto ces trois bosses que je me dis ; puis, farniente, baignade, sieste, repos, en attendant le ferry navette du retour sur le continent ! La totale quoi ! Le déroulement de mon affaire allait être tout autre, et cet alléchant programme quelque peu perturbé ! Attendez que je vous explique ! Depuis le temps que j'en rêvais ; eh bien ça y est, je l'ai fait. Je les ai pédalés ces trois "cols" de l'île de Porquerolles ; mais ce ne fut pas si simple que çà ! Ce fut même une épopée assez cocasse! Tout commence super bien en ce beau matin de mi-juin. Ciel immensément pur, pas un nuage, pas un souffle de vent, soleil radieux, température estivale, mer d'un bleu profond ; et que dire de cette île, bougainvilliers éclatants, palmiers gracieux délicatement ciselés, eucalyptus géants, pins parasols centenaires, et surtout, SURTOUT, une île SANS VOITURE, un petit paradis pour cyclos. Il y a des cyclistes partout, des solos, des enfants, des ados, des adultes, des nanas, toute une faune joyeuse, pédalant apparemment sans souci ; et en lieu et place de garages automobiles ou autres stations à carburants, des loueurs de V.T.T. partout. Et c'est parti pour une journée de "chasse aux cols". Le bitume fait rapidement place à de belles pistes muletières bien entretenues et parfaitement cyclables, je grimpe gentiment sous des frondaisons d'eucalyptus, m'arrêtant fréquemment en bordure des plantations entretenues par le conservatoire botanique national méditerranéen, je m'étonne de la quantité des différentes espèces d'oliviers, de mûriers, de pêchers, de figuiers, de la profusion des lauriers en fleurs, des senteurs et des odeurs des essences rares, je crois rêver, suis-je sous les tropiques ? Arrivé sans peine au cap d'Arme, je suis déjà de l'autre côté de l'île. La vue sur la mer y est imprenable ; casse-croûte rêveur vite expédié, épié à quelques mètres de moi par un groupe criard de grosses mouettes en quête de nourriture, tiens, tiens ! Avant le retour vers le village de Porquerolles, arrêt au cimetière (chaque fois que je le peux au cours de mes randonnées cyclo, je fais un arrêt aux cimetières des petits villages que je traverse. J'y trouve là les origines, et le passé de tous ceux qui en firent avant nous, la gloire et la prospérité). Ne manquez surtout pas celui de Porquerolles, posé à flanc d'une petite colline, inondé de soleil, couvert de fleurs, un peu sauvage mais pas trop, un peu d'un autre âge, il est si beau dans sa simplicité. Et me voici à présent (après cette entrée en matière) à pied d'oeuvre dans le petit col du Langoustier que j'attaque depuis la féerique petite calanque du Bréganconnet (altitude zéro). 1,5 km plus tard, je suis tout en haut de ses 80 m (et d'un), après une grimpette pas si facile que ça ! Émaillée de quelques rampes sablonneuses courtes mais sèches avec parfois un petit 10 % à vous couper le souffle. Mais quelle récompense au " sommet ", ma vue embrasse toute la pointe de la presqu'île du Langoustier frangée d'une multitude d'anses et de calanques plus belles les unes que les autres ; cela fait penser à une dentelle du Puy géante sur fond de Méditerranée. Je craignais, au vu des touristes qui ce matin débarquaient du continent, de trouver des pistes encombrées de cyclos et des plages "surpopulées", eh bien à ma grande surprise, il n'en est rien, presque ou pas de monde : un cyclo de temps en temps, rougeaud et transpirant, un couple de Hollandais, juchés sur leurs drôles de machines écarlates mais radieux, en quête de dépaysement, plagettes de poche quasi désertes avec, par-ci par-là, un ou deux baigneurs, je crois rêver. Midi, halte repas sur le petit port du village à l'ombre des eucalyptus, le soleil est de plomb, la mer langoureuse fait la belle, ondule mollement et s'étire à l'infini. Passé la splendide plage de la Courtade, je débouche presque brutalement sur l'enchanteresse baie de l'Alycastre et sa non moins magnifique plage Notre Dame (c'est l'une des dix plus belles plages au monde d'après le classement d'une revue spécialisée), c'est dire l'émerveillement que procurent ces lieux, c'est tellement beau que cela parait irréel, les mots me manquent ici pour décrire une telle beauté : mer cristalline, plage de sable blond, pins parasols délicieusement penchés, multitude de voiliers dansants sur leurs ancres à quelques encablures de la côte, petit alizé faisant bruisser les branches des chênes verts, des fleurs, des odeurs de miel, des senteurs de lavande, c'est si beau que l'on en oublierait presque le vélo ! Et mes cols dans tout cela me direz-vous ? Je m'arrache difficilement à ces lieux enchanteurs et poursuis mon aventure cyclo-muletière. Je longe à présent un beau vignoble qui, à n'en pas douter, donnera de nombreuses bouteilles de ce vin rosé de Provence qui, avec un petit glaçon à l'ombre des platanes etc... Ca grimpe mais pas trop, et, sans peine, me voici au sommet des 60m du col de la Galère (et de deux). Stridulations des cigales, une légère brise fait chanter les branchages des chênes verts et apporte une douce odeur d'iode qui se mêle harmonieusement aux délicates essences des pins parasols et autres micocouliers. |
Mon programme initial consistait à rejoindre depuis ce col de la Galère le petit col de Galéasson qui plafonne 20 m plus haut par une petite piste de crête. En fait de piste, je découvre un maquis d'une végétation luxuriante autant qu'impénétrable. Un coup d'oeil sur ma carte, et hop! demi-tour direction la case départ plage Notre-Dame, afin d'attaquer ce Galéasson par un autre versant, du côté du cap des Mèdes. Ma piste sinue à flanc de falaise et insensiblement se rétrécit, devient plus sauvage tout en prenant de la hauteur. A présent ce n'est plus qu'un sentier caillouteux, je m'y retrouve seul, plus de cyclo, plus de randonneur, le bleu de la mer en dessous, le bleu du ciel au dessus, je flotte dans une espèce de félicité. Quelques goélands criards occupent par moment l'espace aérien au dessus de ma tête, d'autres ne prennent leur envol qu'à quelques mètres de moi ! tiens, tiens, comme c'est bizarre ! Au détour d'une sinuosité de mon sentier, je fais irruption d'un coup d'un seul, dans une colonie de ces gros oiseaux nichant à même le sol. Ca piaille, ça s'agite en tous sens, les petits patauds essayent sans succès de prendre leur envol (un petit goéland c'est déjà gros comme une poule de nos basses-cours, c'est vous dire!). Je pose pied à terre, bien décidé à ne pas franchir cet obstacle imprévu qui s'oppose à ma progression afin de ne pas semer la panique dans les nichées. Gougi!...Gougi!...qu'ils sont beaux ces petits goélands! Quand d'un coup, d'un seul : VROUICH ! ... que se passe-t il ? Tel un Mirage 3, je subis au ras de mon casque une attaque en règle d'une maman goéland qui, croyant sa progéniture en danger, m'aligne une passe de tirs suivie d'une ressource montante et d'un deuxième passage un peu plus bas qui me fait rentrer la tête dans les épaules. Quoi encore, un troisième tour ? Dans le ciel ça tournoie, ça virevolte, un vrai carrousel ! Le reste de l'escadrille va arriver en renfort c'est sûr! Et ces goélaneauds qui n'arrêtent pas de piailler demandant du secours ! VROUICH....VROUICH !... deux passages de plus ! Ah non ça suffit! je saisis la pompe de mon vélo que je fais tournoyer à bout de bras faisant crânement face à l'ennemi dans une attitude de défense ; rien n'y fait ! J'ai même l'impression qu'à un moment mon casque a été touché! (un goéland adulte ça mesure un bon mètre cinquante d'envergure ! et çà a un bec je vous dis pas ! impressionnant !). Pendant ce temps-là un petit goélaneaud s'approche de moi, ce qui a pour effet d'exciter encore plus maman goéland qui m'ajuste encore une passe de tir bec grand ouvert, VROUICH !... IARK !... encore plus bas. Ce n'est plus tenable ! Si ça continue, je vais y avoir droit ! Et, courageusement... je bats en retraite.., après avoir subi un ultime rase-mottes à vous ôter les lunettes de votre nez ! Remis de mes émotions, je vise une piste sur ma gauche, à tous les coups ça doit être la piste du col de Galéason ! Timidement je l'emprunte, et je débouche à nouveau dans : devinez ? Une autre colonie d'emplumés de plusieurs dizaines d'individus aux pattes palmées et aux becs menaçants ! Fort de mon expérience récente, j'effectue un demi-tour instantané avant l'attaque et me retrouve plage Notre-Dame une fois de plus. Une piste que j'avais volontairement ignorée et sur laquelle j'avais fait l'impasse une heure auparavant m'inspire à présent ; je m'y engage. Passé une petite ferme viticole, j'ai le choix entre deux itinéraires : j'hésite, et m'engage sur la piste qui file sur la droite ; (c'était le mauvais choix!) Montant, glissant, suant, poussant souvent mon V.T.T. je me retrouve... devinez ? en haut du col de... la Galère ! C'est pas possible !...Je me suis encore égaré, j'ai regrimpé ce petit col une fois de plus par un autre versant ! Cette modeste chasse aux cols devient une véritable galère ! Ne voulant pas m'avouer vaincu, je redescends par un autre versant et me retrouve en bord de mer à la sauvage, mais oh combien jolie calanque du Bon Dieu, de l'autre côté de l'île. Je me suis perdu à nouveau ! Demi-tour re-col de la Galère, re-vignoble, et retour à la case départ plage Notre-Dame. Re-petite ferme, et ce coup-là, je prends à gauche (c'était le bon chemin ). Je peste et je transpire à grosses gouttes dans le boyau pierreux qui me conduit enfin au sommet des 80m du col de Galéasson, ouf ! (et de trois ). Étant au sommet, je poursuis ma grimpée sur 500 m. Jusqu'à la côte 135 où, dans un temps pas si lointain que ça, ce promontoire abritait une batterie d'artillerie de marine qui protégeait la rade de Toulon. Les vestiges de ces installations y sont visibles. La vue porte au loin sur le continent, à gauche le cap Sicié, en face la presqu'île de Giens, sur la droite le fort de Brégançon, avec en toile de fond le moutonnement des collines du massif des Maûres et en avant-scène, la mer Méditerranée. C'est grandiose, c'est splendide, en un mot : c'est beau. Je redescends les petites, mais sèches, rampes caillouteuses grimpées à l'aller et me retrouve plage Notre-Dame : mission accomplie. Je ne peux résister à l'appel des sirènes, VTT rangé à l'ombre, cuissard rapidement troqué pour un maillot de bain, et hop ! je pique une tête dans la belle bleue dans une petite crique de sable blond rien que pour moi, tout en fredonnant un air désormais célèbre : (sur l'air des montagnards) Halte-là Halte-là... Halte-là...les goélands, les goélands... etc... Sur la navette maritime qui me reconduit sur le continent, je fais le point de cette journée épique et me remémore ces inoubliables moments de...galère. En définitive ces trois petits cols ne sont pas si aisés que ça ! Courts certes mais secs ! Sur de bonnes pistes parfaitement cyclables, excepté peut-être la piste du Galéasson, (pierraille instable sur le premier secteur).Ne les prenez pas à la légère, ne soyez pas trop décontractés. Allez-y, mais allez-y donc (fin juin, c'est l'idéal) cette île est si belle que c'en est presque une insulte ! C'est un endroit magique, un petit paradis, un hymne à la beauté, mais n'oubliez surtout pas, ni votre maillot de bain, ni votre casque cyclo, on ne sait jamais, des fois que vous rencontreriez des goélands !... André TORREMONEIL N°1573 de PLAISANCE DU TOUCH (Haute-Garonne) |