Midi impératif, avait dit sa femme Pénélope. Les Monteux viennent déjeuner vers 13 h, mais avant, il faut donner un coup de main. De toutes façons, jusqu'à 12h30, elle ne dira rien. Albert se dirige donc vers la montée du col de Marocaz (987 mètres), pour lui un inédit. Un message de Reine Typo (la nouvelle René Poty) lui avait rappelé la veille, que c'était le col le plus près de sa demeure "qui lui manquait". Reine était entrée depuis peu comme permanente au CCC après 15 ans à l'IGNE, où elle travaillait dans le service de Cyber-informatique sur la nouvelle génération de cartes 3D, les SuperTopo 12,5. Une sacrée mordue ; elle se libérait aussi vite que possible pour aller grimper et faire valider la première, tous les nouveaux cols détectés par le satellite Coloscope. Elle pouvait se vanter d'avoir été parmi ceux qui avaient travaillé dur pour que la liste atteigne et dépasse les 20000 cols. Albert passe le dernier feu rouge autorégulé du quartier Cruet de Montmélian et aperçoit les quelques vignes qui ont résisté à la poussée de l'immobilier dans la vallée (le nouveau procédé industriel breveté pour la fabrication du blanc de Savoie avait éradiqué la plupart des vignes) et il démarre la montée. Il est très heureux de tester enfin son nouveau vélo équipé du super Compucycle aux concepts les plus innovants de suivis de santé du cycliste et du vélo, de communication et d'optimisation. Dès sa mis en route, le Compucyle avait immédiatement démarré les tests de santé d'usage (pouls, tension, glycémie, poids et autres), et la petite voix lui avait dit que tout était OK, et qu'il passait au contrôle du matériel (chaîne, freins, capteurs, gonflage et état pneus : ce dernier était mesuré avec la petite caméra qui servait aussi à évaluer la rugosité du sol ou à prendre des photos). Ouf ! Tout allait bien. Il se souvenait d'Arnaud qui, un jour, avait dû renoncer à une sortie à cause d'une panne de l'un des capteurs du vélo (l'inclinomètre). C'avait été vraiment rageant au possible. Premier kilomètre de montée en 5'45, c'est à dire 3 secondes de moins que prévu. Pas de problème, le Compucycle, qui fait une surveillance globale de son état, à partir notamment de son rythme cardiaque, du traitement du signal de son pédalage, de la pente et de la rugosité de la route, est OK. En général Albert est sérieux, il boit régulièrement un mélange recommandé par son nutritionniste et s'alimente assez fréquemment de pastilles BOLOS XK, qui ont le mérite d'agir immédiatement et d'être très modulaires, une pastille correspondant à 4 km à 10 % ou 16 à 5 %. Au kilomètre 4, la lampe communication s'allume : une histoire au bureau à traiter en urgence. Heureusement, il peut continuer à rouler, mais les 12 secondes d'avance qu'il avait sur son tableau de marche, sont devenues 55 secondes de retard au kilomètre suivant. |
Tans pis ! Il ne fait pas la course. Il prend une pastille de BOLOS XK. Ouf ! Il était temps, car la lampe 'défaut alimentation' s'allume quelques secondes plus tard. Aucun problème car dans ce cas, l'effet du BOLOS XK est quasi immédiat et la lampe s'éteint quelques secondes après. Kilomètre 6, encore le téléphone : Pénélope demande quel temps pour le gigot ? Compte tenu de ce que la recette s'applique à une pièce de 2 kg et que le sien n'en fait que 1,750 kg, il estime rapidement que l'on doit réduire le temps de cuisson de 2'35. Il espère être enfin tranquille sur le dernier kilomètre, mais il aperçoit sur l'écran un autre cycliste, et de surcroît un Cent Cols, qui fonce sur lui et va le dépasser. Vexé, il accélère. Sur son écran, il découvre quelques renseignements complémentaires sur ce cycliste : Pierre Alain de Toulouse, CCC numéro 23456, et moins de cols que lui ! Quelle humiliation ! Mais rien à faire : le cyclo passe devant lui en lui faisant un petit geste et continue sur sa lancée. Lui au contraire souffle sérieusement et il panique un peu lorsqu'il voit une lampe rouge qu'il ne connaissait pas encore, se mettre à clignoter. Il faudra relire l'aide en ligne sur son cyber-ordinateur à fibres cellulaires. Heureusement l'arrivée au col est imminente et il entend la petite voix du Compucycle qui lui adresse ses félicitations pour son 617 èmecol. Quand il arrive enfin, Pierre s'élance sur le chemin boueux qui part vers le Lindar. 11h15. Il ne faut pas traîner, car sinon Pénélope ne va pas aimer. Au moment où il enfile sa cape suprathermique pour la descente, il a froid dans le dos : il vient de voir un cycliste sans ordinateur, sans casque, sans protections (épaules, coudes, genoux), bref, un gars qui a eu une sacrée chance de ne pas avoir été détecté par une caméra du bord de route, car alors il risquait gros. Mais il a peu de chance d'y couper à la descente. Encore le téléphone : le vendeur du Compucycle veut savoir... Il s'excuse en lui disant de rappeler plus tard. Il commence la descente et sourit en pensant au système sophistiqué de rechargement du Compucycle en descente. Après le déjeuner, il pourra analyser tranquillement toutes les données déjà transmises par la boucle radio sur son cyber (pente, rugosité, vitesse du vent, hygrométrie, glycémie, prothrombine...), ce qui lui permettra forcément de s'améliorer. Jacques HERENSTEIN N°3681 de GRENOBLE (Isère) |