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En montant le col du Mont Cenis

Revue N° 29 Page 20

Ce matin d'août, les conditions sont idéales pour l'objectif que nous nous sommes fixés : grand soleil, ciel tout bleu et pas trop chaud. Je ne refuse pas de grimper, mais je veux être récompensée de mes efforts, c'est-à-dire profiter pleinement des paysages grandioses de la haute montagne.

Aujourd'hui, nous ne sommes pas les seuls sur la route du col du Mont Cenis. Chaque année le nombre croissant de cyclistes rencontrés sur ces pentes difficiles, nous frappe. Chaque salut échangé nous fait chaud au cœur, car, sur ce terrain, on ne peut tricher. Chacun mesure la valeur de l'effort consenti pour atteindre le bout en tournant les manivelles. Je constate aussi avec plaisir que les femmes, jeunes pour la plupart, sont de plus en plus nombreuses (déjà 20 ans que j'ai monté mon premier col).

Pour nous, un 2000, c'est la récompense de la saison, c'est le but rêvé depuis des mois !

Un cycliste nous rattrape. Il ne transporte aucun accessoire superflu - une fois encore, je maudis mes garde-boue, mes porte-bagages et ma sacoche - . Il est jeune. Il se met à notre rythme, récupère un peu, jette un coup d'œil sur notre maillot des "Cent Cols" et entame la conversation :
- "Vous êtes de la région ?" s'enquiert notre compagnon occasionnel.
- "Nous sommes de la plaine, du Poitou ! Pour venir gravir ce col, nous avons dû parcourir beaucoup de kilomètres chez nous, monter des côtes et nous sommes même partis sous un ciel gris, sachant fort bien que nous allions nous mouiller."

Nous avons renoncé à un spectacle, car, au matin il fallait se lever tôt pour nous rendre à une randonnée. Même pendant le séjour de nos petits enfants, nous nous sommes réservés du temps pour une sortie vélo, car nous savons que sans un entraînement régulier, il n'est pas possible de côtoyer des gens de la montagne dans de bonnes conditions. Avant d'aborder les Alpes, nous faisons une halte en moyenne montagne et nous enchaînons plusieurs petits cols par sortie. Le vélo fait partie de notre vie et pour accéder aux plaisirs qu'il nous donne, nous devons respecter ses exigences. Même notre régime alimentaire en subit les conséquences : pas de bons plats ni de gâteaux moelleux ! Il nous faut surveiller la balance ! Par contre, une bonne assiettée de pâtes est recommandée la veille d'une rude randonnée ! C'est toute une hygiène de vie, presqu'une vélosophie selon le terme de Didier Tronchet, qui dicte notre conduite" .
Le cycliste nous accompagne de bonne grâce en discutant avec Michel, durant 2 ou 3 km, puis quand la pente devient sévère, il reprend son rythme et nous quitte ; il doit redescendre pour le déjeuner !

Nous sortons maintenant de la limite de la forêt. J'évalue la distance qui nous reste à parcourir. Le braquet choisi me convient parfaitement et je me sens à l'aise dans les lacets ; alors là, je goûte pleinement au plaisir d'accéder à ce domaine enivrant de la haute montagne. Rien ne nous sépare de ces sommets, nous les touchons presque, nous avons l'impression de les apprivoiser. Je sais que Michel ressent le même bonheur que moi.

Les gens qui descendent de voiture et qui, au passage nous ont crié : " bon courage " ne soupçonnent pas que le paysage est cent fois plus beau pour nous que pour eux !
Enfin, l'immense lac émeraude s'offre à nous, entouré de hautes cîmes qui se découpent sur le ciel tout bleu. Nous posons les pieds à terre et échangeons, comme à chaque fois, le baiser habituel en haut de chaque 2000, pour savourer le privilège de partager ce moment d'émotion.

Nous longeons lentement le lac pour nous imprégner de ce décor sublime. Il fait moins beau du côté italien. La montagne se cache derrière un voile de nuages. Nous déjeunons à la terrasse d'un café restaurant qui domine le lac en compagnie d'autres cyclistes assis à la table voisine.

Dans la descente, nous marquons un arrêt à la table d'orientation et nous remettons en mémoire les noms des sommets qui se dressent devant nous. Puis, nous glissons dans l'air chaud... Merveilleux souvenir !

Quand l'hiver, nous restons plusieurs semaines sans rouler, le vélo hante régulièrement mes rêves nocturnes ; alors, je pratique la marche, le footing et surtout le ski de fond dans le Jura.

Colette ALLARD N°3691

de CHATELLERAULT (Vienne)


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