Je n'aime pas " cent-coler " en solitaire, ni sur route ni en muletier. Le partage du plaisir de cycler, de la beauté des sites, éventuellement de la souffrance ou même du risque, l'exaltation réciproque ou l'exercice si valorisant de la solidarité ne s'y effectuent pas. Alors, en route avec les copains du C.C Fabrèges (34) à la conquête aisée d'une quarantaine de cols dans le massif de l'Estérel ! Bernard, notre pygmalion du week-end avait très bien fait les choses : repérages sur la totalité des cols (Topo + IGN), allers et retours bien mis au point, détection de cols supplémentaires et hébergement paradisiaque entre bougainvilliers et palmiers au Centre Sportif de Boulouris. Je ne vous infligerai pas la litanie des cols tombant à intervalles réguliers dans notre besace durant les 2 jours, mais, je voudrais témoigner de la beauté aride de ces terres ocres où cytises, chênes verts, eucalyptus et chênes lièges se marient à souhait et protégés par la présence de panneaux rouges sur fond blanc, interdisant toute circulation, et que nous découvrirons sur quelques chemins. Le montant affiché de l'infraction (800 Fr) nous donna à penser que ces cols (cinq à six) avaient été récemment NATIONALISES pour faire rentrer quelque impôt supplémentaire ; une sorte de quote-part en somme, prélevée aux VTTistes et qui pourrait servir à l'effacement de la dette de la Sécu. Alors, s'installa un passionné débat de café de commerce, sur cette mainmise " étatique ", dirigée contre la gent pédalante. Bien entendu, les avis divergèrent sur l'utilité de ces Nationalisations, chacun avançant ses propres arguments sur l'opportunité de passer outre ou de se conformer aux "recommandations". Les théories les plus alambiquées s'échafaudèrent sur la présence (ou l'absence) des agents verbalisateurs et sur leur mode de transport : terre, air, mer ? Finalement les plus téméraires (ou les plus fortunés), osèrent se risquer dans les sentes odoriférantes menant en ces lieux de perdition, avec toutefois des précautions de Sioux! Plus d'échanges verbaux, de toussotements, plus de changements de vitesse qui auraient pu faire jaillir d'un fourré, à l'improviste, un de ces cerbères assermentés. Le vélo sur coussin d'air fut donc inventé pour l'occasion, pédalée légère, sobre, sage et économe. Ne manquaient que la tenue de camouflage, le noir de bouchons au visage et quelque lierre sur le casque (méthode FOMEC) pour nous fondre encore un peu plus dans l'environnement.... Le second jour, à la maison forestière du col des Trois Termes, alors que nous venions d'effectuer notre dernier larcin, Baisse Violette (quel beau nom pour un col !), voilà que nous rencontrons deux gardes à cheval qu'avec précaution, nous saluons respectueusement. Heureusement qu'ils allaient commencer leur tournée. Dans l'après-midi, nous les retrouverons au col de Belle Barbe où nous terminions notre périple.... Je puis vous affirmer sans me tromper que l'humour n'est pas leur première nature ni encore moins leur seconde.... Le premier jour en fin d'après-midi, nous nous étions mis en quête des trois cols trouvés par Bernard sur l'IGN, à quelques encablures du littoral (cols du Dramont, de Ferrières et de Gardevielle), culminant à l'altitude maximale de 120 m. Sur la route du bord de mer, nous cherchions sur la gauche, l'échappée vers la colline toute proche. La première route nous conduisait directement dans un camping privé où chicanes, chiens, chaînes et garde-chiourme nous font rebrousser chemin. |
Pourtant, assurait Bernard, le passage est là... !! Un passant questionné nous précisait qu'un peu plus loin, la seule possibilité d'accès, était la route qui traversait le passage à niveau. Ragaillardis et rassérénés, nous repartons et finissons par déboucher devant un immense portail qui marquait l'entrée d'un imposant lotissement, gardé bien sûr par un vigile à l'œil plus que noir qui nous priait de nous glisser sur la gauche, vers un portillon bleu qui devait nous conduire à nos Eldorados. Passé le portillon, plus de chemin ni de sente, mais un luxuriant maquis que le pas de l'homme n'avait pas foulé depuis des lustres. Nous faisons demi-tour, désorientés et perplexes, commençant à douter du droit d'accès à la colline, lorsque nous sommes interpellés au travers d'une haie par un octogénaire un peu malicieux à qui nous contons nos déboires. Ayant commencé par nous préciser que nous ne parviendrions pas à nos fins, il ajouta : "Peut-être avez-vous une chance en passant par Cap Esterel, mais attention au... train qui..." et laissa là sa phrase en suspens et s'enfuit en entendant sa dulcinée qui l'apostrophait: "mais avec qui parles-tu donc encore?" Guidés par la carte, nous découvrons le "Cap fameux" à l'immense portique grand ouvert, et n'écoutant que notre envie d'accéder à nos trois cols, nous commençons à gravir une forte pente sans apercevoir le moindre rail, la moindre locomotive, la moindre gare. Plus haut, une guérite et une barrière baissée nous font craindre l'expulsion, mais le garde barrière, aimable et un tantinet conciliant nous délivre le sésame pour la "colline impossible". Heureux et gourmands à l'avance de ces trois nouvelles unités à empocher, nous nous mettons à pédaler en chantant à tue-tête lorsque dans un virage, le ..."train" manque nous percuter. Peut-être à moteur électrique, sur roues, en tout cas, il était silencieux, museau rayé, l'œil mauvais et transportant des passagers assis dans de petits wagons à ciel ouvert et qui nous fusillaient du regard.... Nous devions peut-être leur voler leur oxygène ! Cette frayeur passée, nous atteignons les deux cols routiers et le muletier, sur la crête, en plein maquis, surmonté de son panneau "Col de Gardevielle". De là, un sentier pédestre descendant, nous ramenait... au camping initial que nous contournons pour accéder au bitume. Sur le chemin du retour, quelqu'un aura l'idée d'aller faire trempette. Là aussi, nous avons rencontré pas mal de difficultés pour atteindre l'invisible plage, tant elle n'est accessible que par des passages bien dissimulés entre les villas. Nous venions de faire connaissance avec la PRIVATISATION. Depuis ces deux jours, une question me "tarabuste" : pourquoi guerroie-t-on depuis deux décennies au sujet des concepts de Nationalisations et de Privatisations ? Sont-ils antinomiques ? Pierre GASC N°1531 de FABREGUES (Hérault) |