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Méditations d'un cyclomontagnard

Revue N° 21 Page 28

Le thermomètre indique une température négative. Le givre recouvre nos campagnes. Les ruisseaux gelés se sont tus. Mes bicyclettes sont au garage. Et comme chaque année, je laisse mon esprit déambuler à travers les interminables souvenirs de mes saisons de vélo.

Sur un fond de musique pastorale, je me souviens de quelques ascensions classiques la montée du Stelvio avec ses fameux lacets qui n'en finissent plus ou le franchissement du col du Parpaillon, sûrement le plus mythique de tous les cols muletiers... ou la longue escalade du Mont Ventoux sur une route enneigée balayée par un invincible Mistral ou l'arrivée à l'Aubisque avec émerveillement et contemplation devant le soleil levant qui vient vous réchauffer au bord d'une mer de nuages blancs, purs et cotonneux ou encore le final du col du Galibier acclamé par un ciel coléreux transpercé d'éclairs foudroyants... routes de France et d'Europe, vous qui m'avez fait découvrir tant de paysages, de cols, de vallées, de montagnes je ne vous oublierai jamais.

En cette fin d'année, la nostalgie de mes voyages est à nouveau présente. Nul ne connaît de remède à cette maladie saisonnière des cyclomontagnards. Les sommets ont revêtu leur blanc manteau de neige que seuls les premiers rayons ardents du soleil printanier parviennent à faire disparaître. En attendant, la seule façon de se soulager est de faire de nouveaux projets de randonnée, inlassablement, année après année. car je sais que je reprendrai ma bicyclette pour découvrir de nouveaux horizons. Je n'aurai jamais fini de chasser les cols du monde entier. Le vélo en montagne est un combat avec un adversaire qui ne se refuse pas mais qui se respecte. Il représente l'éternel défi du chronomètre et de l'âge qui permet de confronter sa forme présente avec la forme du passé, parfois lointain, non par esprit de compétition, mais pour prendre sa mesure face au temps qui ne vieillit pas.

Non, cet hiver, comme tous les hivers passés, n'aura pas raison de ma passion de cyclomontagnard. Je saurai toujours partir au jour levant, quel que soit le temps, pour gagner des régions accidentées et communier avec la nature tout en m'emplissant les poumons d'air frais. Je chargerai encore mon vélo avec les bagages du voyageur pour parcourir paisiblement nos campagnes en grignotant de nombreux cols, en me laissant aller à la griserie folle des descentes et en rentrant au bercail bronzé avec une riche moisson de souvenirs fixés sur de belles photographies. Je continuerai de me lever tôt les dimanches matins pour faire un tour dans les montagnes environnantes en admirant les aspects changeants de chaque saison, en me laissant éblouir par la beauté des sons, la richesse des odeurs et la subtilité des éclairages de la nature.
Ne vous y laissez pas surprendre! La pratique du vélo dans nos montagnes est souvent source de plaisirs mais aussi de souffrances que seule une motivation hors du commun peut surmonter. Motivation qui permet presque de devenir un 'surhomme' et qui surtout efface impitoyablement les sentiments de résignation, de défaite ou d'infériorité en ouvrant les portes de la réussite, de la victoire et du respect d'autrui, de la modestie. Ceci fait également qu'il n'existe pas pour les cyclomontagnards d'obstacles insurmontables, mais uniquement des obstacles à surmonter le moment venu.

Certains diront que les cyclomontagnards sont souvent solitaires, peu sociables, voire masochistes. Il n'en n'est rien, bien au contraire. La bicyclette en montagne est, certes, il faut le reconnaître, un sport relativement dur. Mais elle forme avant tout le corps et l'esprit pour appréhender de la meilleure des façons les problèmes ou événements que nous sommes tous amenés à rencontrer dans notre vie quotidienne, en famille ou au travail. Le cyclomontagnard et sa belle machine ne font-ils pas partie des meilleurs ambassadeurs à travers les pays du globe ? Ils invitent au voyage qui forme la jeunesse. Ils sont, à travers tous les clubs, les grandes randonnées organisées, ou les challenges lancés entre amoureux de la pédale, une école d'entraide et de solidarité qui développe le sens des réalisations individuelles mais aussi collectives. A leur contact, vous apprendrez à maîtriser votre énergie pour la libérer sans générer de fatigue sur de longues distances; vous aiguiserez votre sens de l'observation; vous sous surprendrez à dépasser vos limites tout en vous faisant plaisir au contact de la nature. En un mot, amis de la petite reine, les cyclomontagnards sauront vous faire découvrir la montagne, à laquelle il n'est pas possible de résister, car elle vous attire avec une force tranquille, telle que je l'aime pour la vie, telle que vous l'aimez, telle que vous l'aimerez peut-être un jour.

La symphonie que j'écoutais vient de s'arrêter. Je reprends conscience. Nous sommes un dimanche hivernal de décembre. Il est temps que je descende au garage pour faire une nouvelle jeunesse à la mécanique de mes bicyclettes. Qui nourrit de beaux projets d'escapades à travers la montagne doit savoir soigner et entretenir ses montures avec patience et minutie. Mais avant tout elles doivent être prêtes pour profiter des premiers signes du redoux. Allez, au travail ! Et à bientôt au détour d'un col ou à l'occasion d'un brevet cyclomontagnard.

Fabien DIEDERICHS N°1646

Club Cyclo Messier-Bugatti Molsheim (Bas-Rhin)


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