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Rouler avec des "Ténors"

Revue N° 21 Page 14

Mode d'emploi en quelques anecdotes.

Je ne suis pas un avaleur de kilomètres et encore moins un chasseur de cols. J'ai eu la chance (ou le malheur, qui sait ?!!!) de rouler avec deux "ténors" (J.L Borach, P. Châtel). Ils m'ont fait découvrir la montagne à bicyclette, avec ses joies et ses peines. Dans leur sillage je n'avais qu'à bien me tenir et à comptabiliser les cols franchis. Opportuniste, je l'ai été, mais jamais je ne regretterai les muletiers qu'ils m'ont imposés. Je ne serais pas au club des 'Cent Cols' sans leur aide.

"Avant toute randonnée, tu les consulteras"
Leurs cartes IGN déjà pointées sont autant de cartes au trésor devant lesquelles il est permis de rêver à de nombreuses sorties, et qui recèlent de mystérieux cols invisibles jusqu'alors sur nos "Michelin". Ils ont le don de remonter le moral et les scores. Combien de fois m'ont-ils fait constater que j'étais passé par cinq ou six cols supplémentaires sans le savoir!!

"Leur précision tu admireras"
Cartes IGN au 1/25 0000, altimètre, compteur hectométrique: leurs accessoires m'ont toujours amusé, mais j'avoue qu'ils se sont rapidement révélés utiles sur un sentier Gr au fond des forêts du Vercors, au sommet du pic de la Rochette (à la recherche respectivement du col de la Rama : 26-481 et du col de la Croix de la Coche: 42-31a) ou encore au passage de l'Ouillon (73-194).

"Leurs conseils tu suivras"
Ils ont toujours su rendre les ascensions moins pénibles en bavardant énormément, blagues et devinettes pour Jean-Louis, épopée pour Pierre. Je ne serais jamais arrivé entier au sommet du Glandon (73-114) sans Jean-Louis. Il savait où je pouvais récupérer un peu, les dérailleurs n'avaient plus qu'à suivre ses instructions. Les pourcentages les plus terribles en devenaient presque plus humains. A force de les écouter j'ai pu refaire certaines randonnées les yeux fermés tant j'avais l'impression d'être déjà passé par là.

"Avec eux tu admireras et tu t'amuseras"
Ces deux conquérants avaient décidé d'aller hisser leur flamme au sommet de quelques muletiers avant 'les lacets mauriennais'. Je les ai maudits, notamment au cours de l'ascension du col Nord des Lacs (73-290): mouliner, marcher en poussant les vélos, remonter en selle pour cent ou deux cents mètres sur un sol lunaire et pousser encore une fois, sans compter la neige au sommet ! Mais là-haut, quel spectacle fabuleux: le refuge de l'Etendard, le Grand Lac et le Lac Blanc sous la neige en plein mois de juin ! Je garderai un souvenir extraordinaire de la descente sur le col de la Croix de Fer qui suivit : un randonneur belge, interloqué de nous voir sur ce chemin nous demandera même "s'il y a une route au dessus, une fois", d'autres nous applaudiront en nous regardant descendre les névés sur les bicyclettes.

"Mais tu resteras vigilant"
Souvent emportés par la beauté du site, grisés par la descente dans une prairie magnifique, ils oublient assez curieusement les réalités du monde moderne. Après avoir glané le Pas du Tout (26-333) nous venions juste de quitter une mer de brume qui venait mourir dans les rochers du Truilluras au Pas de la Baume (26-329), vision trop poétique pour Jean-Louis qui aperçoit au dernier moment un fil électrique au travers du chemin: ce n'était certes pas prévu sur la carte ! Comme l'accueil des 'autochtones' d'ailleurs. Après avoir galéré depuis le Pas de Fontfène (26-2456) jusqu'au Pas du Lièvre (26-235) sur un chemin qui n'existait plus, nous nous sommes fait accueillir par des chiens et des éleveurs la fourche à la main pour un des derniers muletiers de la journée: la Pas de l'Aye(26-205). Nous 1'avons atteint honteusement à pied, les vélos gardés en otages par les habitants de Clair-Noir, après une demi-heure de palabres.
"Leurs raccourcis tu éviteras"
Surtout à la sauce "Châtel" !! Après le col de Rioupeysson (26-441) qui terminait un chemin légèrement humide et boueux, j'étais heureux de retrouver le goudron de la D199. Hélas, Pierre avait décidé de couper par un sentier pour rejoindre le col de la Rama (26- 481) : "C'est tout droit et on gagne deux kilomètres", il venait de m'offrir un parcours du combattant: un kilomètre à enjamber des troncs d'arbres abattus, à porter le vélo sur l'épaule, à s'accrocher aux branches, à bien mouiller ses chaussures à défaut de les enduire de boue, à me casser la figure sur les roches glissantes. Je suis arrivé au col avec un mal de dos terrible, les bras et les jambes égratignés, un garde-boue endommagé, et deux ou trois boulons manquaient à l'appel ! Je ne m'étendrai pas davantage sur le 'raccourci' qui mène du col de la Croix de Fer (73-141) au passage de l'Ouillon et au col de Bellard (73-194, 73-175) par le côté sud. Même Jean-Louis râlait !

"Tu leur porteras à manger"
Dans leur allégresse, ses ogres ivres de cols frais, oublient facilement leur estomac. Je repense souvent à Jean Louis avant le Pas de l'Aye (26-205). Je savourais une salade de riz maison quand il découvrit ce qui devait lui servir de repas: deux bananes écrasées, mélangées à de délicieux fromages dans leur coque plastique rouge: tous les muletiers de la matinée avaient contribué à la préparation de cette mixture infâme et immangeable étalée au fond de le sacoche. En bon disciple, je me devais de partager mon repas. Quant à son coup de fringale, vers la Chamba avant le col de la Croix de la Coche (42-31a),... tout s'est terminé à l'auberge du village !!!

"Enfin des poses tu leur ménageras"
Ces braves chasseurs de cols pédalent autant avec le cœur qu'avec les jambes, au risque de friser parfois la catastrophe. Après un raccourci à la "Châtel" (refrain : c'est tout droit et on gagne deux kilomètres) nous arrivons avec le ténor en question au col de l'Echarasson (26-402) (Mea culpa : nous avions semé tout de même deux randonneurs à cheval par ce sentier). "Hou la, je fatigue, il faut que je fasse une sieste" (sic). Ma foi, je n'avais plus qu'à m'asseoir et à attendre ! Attendre Jean-Louis également au cours de l'ascension du col du Grand Taillet (74-18): il avait visiblement du mal à rester éveiller sur son vélo et il m'a fallu lui parler constamment pour qu'il ne s'endorme pas le nez sur le guidon. Mariage la veille, 'réveil' à trois heures pour commencer la randonnée organisée par le CR Thonon à six heures, col de Saxel (74-12), de Terramont (74-21), de Jambaz (74-17), le méchant pourcentage du Corbier (74-34) : j'ai bien cru ne pas pouvoir le ramener à Thonon !

Un modeste vélocipède

E. Lastenet

Lyon


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