Nous sommes le 1er décembre. Fabien, exceptionnellement de passage en Alsace, me propose une courte randonnée, histoire d'en faire une petite dernière en 1985. Nous jetons notre dévolu sur le col de Westhoffen, un obstacle mineur, mais avec le temps de cette semaine et surtout d'hier, il ne faut pas être trop gourmand. Arrivés à Soultz, changement de programme. Le temps est magnifique et Fabien suggère une petite escapade au Nideck. Je ne dis pas non et je me laisse facilement convaincre. C'est vrai qu'il fait soleil. Les arbres ont revêtu leurs plus beaux atours et la lumière du jour les transperce de ses traits. Devant un tel tableau, nous sommes béats d'admiration et heureux de partager ces instants. A la sortie de Balbronn, la route s'élève. Fabien opte pour la route forestière au lieu de la départementale. Très vite, elle se révèle glissante et difficilement praticable. E l'Elmerforst, nous sommes à pied. Je commence à en avoir ma claque des idées lumineuses de Fabien. Moi, j'aime bien le cyclo-cross, mais à la télé. Heureusement, la route est mieux dégagée par la suite. A vrai dire, il y a juste la place pour passer un pneu ! Une fois de plus, je voue mon compagnon à tous les diables lorsque brusquement il s'arrête et m'intime l'ordre de me taire. Là, à quelques mètres de nous, deux biches se heurtent à un grillage et nous livrent un ballet somptueux. D'avant en arrière et d'arrière en avant. C'est gracieux, majestueux et c'est pour les cyclos qui ont de l'audace. Mes amis, l'aventure est à notre porte. Point n'est besoin de parcourir le monde, la beauté sauvage est proche. Se voyant observés, les deux cervidés prennent la fuite dans les bois. Nous poursuivons notre route vers le Nideck, restant cependant en alerte, au cas où... Plus loin, nous rencontrons un chasseur se dirigeant à l'opposé du chemin emprunté par nos deux bêtes. Je n'ai pas besoin de vous dire que, pour rien au monde, nous ne l'aurions mis sur la bonne voie. Chemin faisant, j'aperçois une fois encore une biche courant dans la forêt à en perdre haleine lorsqu'une autre traverse notre route juste devant nous. Quelle journée ! |
Et pas d'appareil photo ! Ah, je m'en veux. Un peu déçu, mais heureux tout-de-même, nous arrivons à la place des Pandours. "Et la poisse dans tout cela ?", me direz-vous. Eh bien, patience ! Nous touchons au but. De ce pas, je m'en vais vous conter la suite de l'histoire. Le revers de la médaille, en quelque sorte. Nous abordons la descente du Nideck sur Wangenbourg, lorsqu'à l'entrée du village, Fabien me fait signe. Son boyau avant vient de rendre l'âme. Il le change et nous repartons en maudissant les cantonniers et leurs gravillons dont la route est recouverte. A la sortie d'Engenthal, je suis frappé à mon tour par la malchance. Mon pneu arrière est à plat. Je change ma chambre à air sous les yeux amusés de Fabien. Le score de parité nous convient : 1 à 1. Je range mon matériel, Fabien s'élance et... s'arrête. Son boyau arrière est mort. Cette fois, je n'en peux plus. Je me marre et je crois que Fabien en fait autant. Mais, nous savons que la prochaine crevaison sera fatale à l'un ou à l'autre. Car je n'ai plus de chambre à air, et il n'a plus de boyaux... Sur ce, nous faisons 500 mètres et là... je suis bon pour la marche à pied. Un petit morceau de verre a eu raison de mon pneu arrière, du reste, bien mal en point. "Que faire ?" me dira le lecteur en haleine. Eh bien réfléchir tout d'abord. Pleurer ne sert à rien. Nous avons tout d'abord essayé de faire un pansement de fortune à ma chambre à air à l'aide de colle à boyau et d'un petit bout de l'autre chambre à air, vous savez, celle qui a crevé 500 mètres avant ! Ensuite, je me suis souvenu de Pascal qui avait fait 100 kms sur une chambre à air morte. Et son souvenir sur les routes suisses et jurassiennes m'a véritablement accompagné jusqu'aux portes de Strasbourg où Fabien, parti en avant, me retrouvait avec une chambre à air et un pneu sentant le neuf. Et surtout, ne comptez pas sur moi pour que cela me serve de leçon... Imaginez, si j'avais emmené des rustines comme tout cyclo qui se respecte ou une deuxième chambre à air, qu'aurais-je eu à vous raconter ? J. SCHULTHEISS |