L’Ain à vélo, sur la route fleurie… Il est un col que je ne suis pas prêt d’oublier. Le "Tour des 5 Monts de Savoie" est une randonnée superbe mais pour un chasseur de cols, l'itinéraire est trop peu émaillé de pas, collets, selles et autres cols. Cela donne un goût de trop peu. Donc, avant de tourner définitivement la page 2002, je fais halte au pied du Revermont dont les vallées et le comté des fruitières de Drom et de Villereversure sont très prisés pour ses sites et le comté. A vélo, le touriste profite de surcroît d’itinéraires vallonnés et, à défaut de grands cols, il trouve juste les difficultés à même de faire apprécier une étape rafraîchissante dans une auberge du parcours. Voilà ce que chante la "Voix de l’Ain", l’hebdomadaire des pays du premier département de France. En vérité, il y a bien longtemps déjà que systématiquement quand je déplie la Michelin 74 au pli 3, mon attention reste accrochée sur les col de France et Signal de Cuiron (Mont July) situés entre Bourg-en-Bresse et Oyonnax. L’occasion faisant le larron… Ceyzériat. Altitude 300 m. J’abandonne mon véhicule en face de la gendarmerie et d’emblée, j’attaque la rampe qui mène à l’observatoire et au relais de télévision du Mont July (593 m). Un dénivelé de près de 300 m, c’est à dire à peine le quart de celui du Mont du Chat. Un jeu d’enfant ! Celui du chat et de la souris ! En effet ! Comme sur les hauteurs du Mont du Chat, on n’y voit que dalle. Y a-t-il un point de vue ? Bis repetita placent. -(ça, c'est Horace, le copain d'Auguste, qui le dit, pas moi)- Le complexe météo se devine et la tour s’évanouit dans la purée de pois. Une bonne pluie bien drue s’abat sur le Revermont. Pluie du matin sur N-D de Conches n’arrête pas… - (je vous laisse le soin de compléter les points de suspension)- Après une courte hésitation, ma trajectoire aboutit à Drom, un bled blotti au pied de la montagne où une villageoise accorte me met sur le chemin du col de France. "Facile, jeune homme (!), le col est au bout de cette route, au carrefour, à 2 kilomètres d'ici" me souffle-t-elle. Trop heureux, j'enroule aussitôt dans la direction indiquée. Pas de trace de panneau à la croisée des chemins. Bof ! Ce n'est pas la première fois qu'un panneau a disparu, voire même n’a jamais existé. Impossible de vérifier dans cette brouillasse. Je poursuis mon effort vers le col de la Rousse (380 m) dont la signalisation est logée à la même enseigne que le précédent. Villereversure. Altitude 300 m. La riante vallée du Suran ! Une chute d'eau me contraint à me réfugier dare-dare dans un bistrot où tous les papys du quartier sont au rendez-vous de l'apéro. Les discussions "bon enfant" fusent de tous les côtés du bar. C'est inimaginable ce qu'un petit blanc peut donner de l'énergie ! Sagement, je compulse la "Michelin" et il faut me rendre à l'évidence que, pour une misère d’un kilomètre, j'ai loupé le col de France. Il est exclu que je fasse demi-tour. Comme il n'y a aucune amélioration à attendre du temps, je m'en vais épingler le col de la Roche (401 m) qui jouxte la commune avant de refermer la boucle sur Ceyzériat. Cependant, voilà que je me mets à pédaler du talon dans la dernière côte. Une voiture me double. Un peu plus haut, je l'entends qui rétrograde de vitesse. Rien de tel pour donner du moral ! Juste après le passage à niveau, un aficionado a peinturluré sur la route plusieurs noms dont celui de "Bressans". Ça, c'est un coup bas. Je me vois dans la peau du pauvre Busard qui se fait battre à plate couture par le Bressan ("325.000 Francs" - Roger Vailland - Editions Corréa-Buchet-Chastel) Mais le coup de grâce sera pour une autre fois puisque la route pique aussitôt du nez sur Ceyzériat. Là, quoique la bruine persiste, je satisfais mon envie d'aller jeter un coup d'œil sur le col de France. Par la voie directe, c'est à dire via Jasseron. |
Jasseron. Ici, je sens obligé d’ouvrir une parenthèse qui n'a aucun rapport avec le vélo. Mais quel régal pour les yeux ! Dès les limites municipales, j'ai eu l'impression d'assister à une orgie florale. Des floralies luxuriantes. A une traite des blanches et des roses. A une symphonie de blanc et de rouge avec de temps en temps un soupir de bleu et une pause de jaune. Des parterres de hauts buissons d'impatientes blanches et d'un rose tendre courbent l'échine jusque dans la rue. En face de cette débauche à dominante rose, des pélargoniums d'un rouge vif, qui prospèrent dans des auges, rivalisant d'éclat avec des brassées de pétunias pourpres et bordeaux. Les jardinières suspendues de l'école permettaient à des grappes de géraniums grimpants couleur coquelicot de se balancer au gré de la brise de vallée. Quant à la mairie, elle a mis le paquet. Sur les fenêtres, des bacs garnis de bégonias d'un rouge rosé ; devant la porte d'entrée, des vasques remplies de tagetes jaunes entourées de pots de géraniums amarante; à l'étage, des perles de pluie roulaient sur les guirlandes de fuchsias rouge carmin. L'église, elle non plus, n'est pas en reste. Des plates-bandes de glaïeuls de toutes les couleurs en bordent son allée principale. Ensuite venait un fouillis de clématites qui opposaient leur bleu d'outremer à celui de l'azur des volubilis qui envahissent le pignon d'une maison bourgeoise. Des fleurs partout. Par milliers. Sous toutes les formes. Dans les coins les plus reculés du village. Jusqu'à la dernière maison du village qui offre au visiteur une bordure soignée de dahlias. Par contre, je n'y ai pas vu proliférer des roses trémières ni des rosiers. Ces quelques mots ne sont qu’un pâle reflet du festival de fleurs qui est offert aux visiteurs par la commune de Jasseron. La toute récente lecture de carte m’avait appris que depuis ce village, il ne restait tout au plus que 3 bornes. De fait, quelques secondes plus tard, l’échancrure du col apparaît dans toute sa splendeur. Un col sans ambiguïté. La route se sépare en deux. Pas de trace d’un panneau renseignant le col de France. Je commence à la trouver saumâtre. Un bras de la route s’en va se perdre dans la combe pour Meillonnas, le village adoptif de Roger Vailland à la fin de sa vie. Spécialité du village : la faïence. Je reste sur la départementale qui décrit une ample courbe entre les sapins. Depuis la croisée des chemins, il n’y a pour ainsi dire aucune dénivelée. Toujours pas de col ! Je finis par en prendre mon parti et comme je suis prêt à rebrousser chemin, surgit tout à coup le panneau aux lettres jaunes sur fond bleu. -"Col de France"- Je me frotte les yeux. La pluie a dû me ficher la berlue car je me trouve à flanc de montagne. A gauche, un ravin ; à droite, une pente à 45 degrés. L’autre montagne, très loin dans le lointain, au-delà de la combe. Je fais encore quelques tours de roue qui ne m’apprennent rien de plus. Il ne me reste plus qu’à faire mon deuil du col de France qui termine quelque part la route fleurie de l’Ain en queue de poisson. A force de rêver d’une montagne… autant en emporte le vent ! José Bruffaerts CC 1997 |