Pour renouer avec le voyage itinérant à vélo, nous avions choisi une destination qui nous offrirait les meilleurs ingrédients selon nous : du relief et du dépaysement et de la chaleur. Pour les premiers points, nous ne fûmes pas déçus, nous n’imaginions pas par contre devoir lutter contre le froid… et même la neige ! Les îles Canaries, au nombre de sept, forment un archipel au large des côtes marocaines. Nous visiterons les trois îles situées le plus à l’ouest : la Palma, la Gomera et Ténérife, la plus étendue et sans conteste la plus connue et fréquentée (un peu trop d’ailleurs sur la côte…). Ces îles sont d’origine volcanique, et offrent parmi les paysages les plus spectaculaires au monde. L’île de Ténérife a déjà été largement décrite dans de précédents articles parus dans la revue. Les îles de La Palma et La Gomera sont par contre nettement moins courues, notre récit leur est consacré. Le même principe de base est retenu, déjà expérimenté lors de nos précédentes escapades à vélo : voyage itinérant sans assistance (et donc transport des bagages sur le vélo) et pas de réservation au préalable de nos logements à l’étape. Ces deux ingrédients nous garantissent à la fois liberté totale du choix des étapes et offrent la place à la surprise et à l’improvisation. Nous n’aurons en fait aucun problème pour trouver un endroit où dormir : pensions et petits hôtels ne sont pas surchargés à cette époque. A chaque fois : accueil parfait et excellent rapport qualité-prix. Après un voyage en avion de plus de quatre heures, nous atterrissons sur l’île de la Palma. Ouf ! Nos vélos n’ont presque pas souffert du voyage. Comme chaque fois cependant, un peu de bricolage… Un rayon tordu et coincé dans les pignons, bloquant ainsi tout mouvement, (si, c’est possible !) nous vaudra quelques énervements. La Palma L’île de La Palma détient le record mondial d’altitude moyenne. La parcourir à vélo s’annonce très sportif. Quelques chiffres : le sommet de la Caldera de Taburiente, accessible par la route, culmine à plus de 2400m, mais ne se trouve qu’à 5 km de la côte à vol d’oiseau ! Trois jours seront consacrés à effectuer le tour de l’île et l’ascension au point culminant. Dès les premiers kilomètres, nous rencontrons une succession de côtes très éprouvantes : la route longeant le littoral joue en effet au yo-yo entre 0 et 1200m d’altitude ! Heureusement les paysages traversés sont à la hauteur de nos efforts : la montagne plonge littéralement dans l’océan et est extrêmement ravinée sur la partie nord de l’île, la plus arrosée. La culture de la banane est l’activité principale sur La Palma : même les endroits les plus escarpés sont exploités. On imagine les efforts nécessaires pour aller y cueillir les régimes de bananes. Notre première étape sera le village de San Andrès, petit village de pêcheur aux maisons à l’architecture typiquement canarienne. Le lendemain, départ pour la partie nord de l’île. Ici, pas de route de côte. Nous nous enfonçons dans une forêt dense à l’atmosphère humide. Cela pourrait presque faire penser à un climat tropical, si ce n’est la fraîcheur qui nous empêche de quitter les jambières. De barrancos en barrancos (ravins), la route est très sinueuse et très accidentée. Nous ne croisons que quelques voitures. A la sortie de cette forêt subtropicale le paysage change et nous voilà au cœur d’une pinède méditerranéenne, enfin un peu de chaleur… Nous sommes maintenant sur la partie de l’île à l’abri des vents dominants : climat plus sec et par conséquent végétation moins luxuriante. Nous nous arrêterons à Los Llanos à l’ouest de l’île. Nous dormirons dans une pension au patio couvert très agréable. La troisième journée est consacrée au tour de la partie sud de l’île où se sont produites les éruptions les plus récentes en 1949 et 1971 à Fuencaliente à l’extrême sud de l’île. Deux volcans, le San Antonio et le Teneguia, alignés sur le rift, sont visibles de la route, on peut même en faire le tour à pied. Nous consacrerons le reste de la journée à visiter Santa Cruz de la Palma aux nombreuses maisons à balcons traditionnels. Une réplique grandeur nature de la nef "Santa Maria" de Christophe Colomb occupe le centre d’une place, nous rappelant ainsi que les îles Canaries ont été la dernière escale, avant la traversée de l’océan pour le célèbre navigateur. |
La pureté et la clarté du ciel de La Palma (dont nous n’avons malheureusement pas beaucoup profité) lui ont permis d’être choisie pour l’installation d’une dizaine de télescopes internationaux situés sur le roque de Los Muchachos à 2426 m d’altitude. Nous ne pouvions décemment pas quitter l’île sans faire l’ascension de son point culminant : une montée de 35 km pour 2400 m de dénivelée, soit plus que le Galibier, effectuée heureusement sans les bagages. La montée est difficile et irrégulière (dixit Hélène), mais une fois encore les paysages sont somptueux. La route longe le nord de la caldeira et enfin le soleil et la chaleur font leur apparition. Ce sera en fait la plus chaude journée de notre séjour, et, cerise sur la gâteau, un panneau nous annonce la présence d’un col sur la partie sommitale : le degollada de las Franceses, à 2257 m ! La route offre des perspectives impressionnantes, d’un côté sur le littoral et au loin l’île de Ténérife et son sommet distant de 150 km (pic du Teide, 3718 m) qui émerge des nuages et, de l’autre, sur l’intérieur de la Caldeira, qui forme un cirque de 5 km de diamètre et de plus de 1500m de profondeur. Les nuages au fond de la caldeira en accentuent l’aspect aérien. En quelques kilomètres, nous passons de la forêt de pins, à un univers minéral où pratiquement toutes les palettes de couleurs sont représentées. La Gomera Après trois jours et demi sur La Palma, nous rejoignons l’île de La Gomera par ferry. La Gomera se situe à seulement 30 km au sud-ouest de Ténérife. C’est la plus petite des îles de l’archipel des Canaries après El Hierro. Elle est peu touristique et restera celle que nous avons préférée. Nous y sommes restés deux jours. Au programme de la première journée, le Degollada (col) de la Cumbre, atteint après une série de tunnels dans lesquels quelques centaines de mètres sont toujours trop longs surtout en montée, en courbe et dans le noir ! Une belle descente nous attend vers la vallée d’Hermigua. Nous gagnons la côte au vent, très déchiquetée et sauvage. Vu la température, on se croirait cependant plus en Bretagne qu’au large des côtes marocaines (pas plus de 10°, les habitants n’ont quasiment jamais vu cela début avril). Nous découvrons des villages splendides et très calmes. Nous passons la nuit à Agulo, village typique aux ruelles pavées qui surplombe l’atlantique. Au loin, nous apercevons le volcan du Teide, sur l’île de Ténérife, au profil pyramidal quasi-parfait. Le lendemain, la route nous mène depuis la côte tourmentée jusqu’au point culminant de l’île, à plus de 1400m d’altitude, traversant ainsi le parc de Garajonay, réputé pour sa végétation et plus précisément sa forêt de lauriers géants. Brouillard et froid nous accueillent au sommet, décidément nous sommes loin des vacances au soleil que nous imaginions. Notre descente sur l’autre versant de l’île sera par contre au soleil : 20 degrés gagnés en seulement quelques kilomètres et nous retrouvons une végétation rase, palmiers et cactus. La lumière est maintenant éclatante, notre dernière soirée sur cette île sera consacrée à la visite de sa capitale, San Sebastian de la Gomera et de son port. Au loin, Ténérife, dernière des îles visitées, sur laquelle nous passerons les trois dernières étapes du voyage. Le calme et la beauté de La Gomera nous ont conquis et on s’imagine déjà y revenir prochainement. Notre voyage se poursuit par la visite de Ténérife, nous réservant ainsi un final en beauté avec l’ascension vers le parc national du Teide, et sa gigantesque caldeira à plus de 2300 m d’altitude. Nous étions loin de nous imaginer que nous allions y subir une tempête de neige ! En conclusion, les îles Canaries offrent des paysages fantastiques, complètement différents de ceux qui nous avaient émerveillés lors de nos précédents voyages à vélo, en Norvège ou dans les Montagnes Rocheuses. Elles offrent une diversité incroyable, liée à leur relief extrêmement marqué (13000 m de dénivellation en 460 km parcourus!), ce qui permet d’avoir, suivant l’exposition aux vents dominants, toute la palette entre végétation semi-désertique et tropicale. Si l’on s’écarte des zones touristiques, souvent concentrées sur les côtes sud, on retrouve très rapidement tous les aspects de la vie canarienne authentique : habitat soigné, accueil chaleureux, cuisine variée (ça compte à vélo !). Hélène et Dominique Farcy CC 3246 et 2592 |