Nous étions quatre copains, Pierrot Guitard, Roger Dureisseix, Gérard Broweys et moi-même Michel Nau, à rêver au quotidien du Parpaillon que nous décrivaient en long et en large, de nombreux articles, compulsés dans les revues cyclistes spécialisées ; jamais rassasiés de ces lectures, notre désir de franchir ce col en VTT, prenait corps au fil des années, même si nous regrouper, ne serait-ce que le temps nécessaire pour mener à bien l'expédition, ne paraissait pas très facile ! D'abord envisagée en 1998, puis en 1999, c'est finalement le 22 juillet 2000, que nous mettons le cap sur Embrun avec un séjour folklo à l'hôtel du Lion d'Or d'où nous scrutons avec appréhension les cimes, tant le temps est incertain et les orages fréquents et violents ; les habitués du coin ne manquent pas de nous mettre en garde en insistant sur les risques de ruptures de chemin en altitude et par voie de conséquence, sur les dangers de la montagne au quotidien. Certes, faire tout ce déplacement pour rien nous tracasse mais il faut savoir aussi assurer ses arrières et, après tout, revenir ultérieurement est tout à fait dans nos cordes, d'autant que nous entendons bien profiter, au maximum, du spectacle de la montagne ! Le 25 juillet 2000 s'avère être le jour "J"; c'est du grand soleil à notre lever et au dire des gens du pays il n'y a pas de temps à perdre pour en profiter pleinement et être de retour avant les orages de fin de journée ; c'est l'effervescence à l'heure du petit déjeuner et de la préparation des montures et des sacs à dos ; il convient de ne pas se louper sur la qualité du matériel et de prévoir tout pour les changements de temps ainsi que pour les besoins alimentaires, autant de facteurs qui conditionnent la réussite de la journée. Le départ est à la fois rassurant et inquiétant, puisqu'il faut descendre durant 2 kilomètres jusqu'au pont sur la Durance, altitude 799m, alors que partis de l'altitude 850m, notre objectif se situe à 2650m ! Mais ce premier tronçon est revêtu et il en est de même après le pont pour remonter le long du cours du Crévoux ; les pentes, très irrégulières, sont parfois fortes mais rien n'est impossible quand on aime, surtout sur un revêtement confortable, avec pour toile de fond de merveilleuses montagnes, de jolis petits villages et pour bruit d'ambiance, le ruisseau tout proche ; c'est le pied ! Le village de Crévoux, à 1585m, constitue un tournant dans l'escalade ; d'abord c'est la fin du bitume et par là même, le commencement des choses sérieuses avec des pentes fortes à très fortes (12 % de moyenne), dans la caillasse sur un chemin déformé par de nombreuses ornières, résultat des intempéries récentes. Nous rencontrons quelques marcheurs mais la civilisation se fait de plus en plus rare. Notons au passage, un arrêt intéressant sur la place de Crévoux ; nous apprécions la présence d'une belle et bonne fontaine, qui nous permet de refaire le plein de nos bidons, et de souffler un peu avant d'aborder les 12,500 km pour 1065m de dénivelée, qui nous séparent du tunnel du Parpaillon. Maintenant, c'est vraiment l'aventure, sur un chemin défoncé parfois, mais jamais nous avons été amenés à mettre pied à terre ! il faut croire que notre condition physique est satisfaisante car les pentes sont souvent importantes et la distance interminable. C'est d'abord la forêt avec tout son charme puis nous débouchons dans les alpages qui s'étendent à perte de vue ; c'est magique. Un Suisse en VTT, nous double à 3 ou 4 kilomètres du sommet, il a l'air très à l'aise, nous aussi d'ailleurs ; un léger ton en dessous ! |
Nous quittons les alpages à environ deux kilomètres du sommet, alors que nous passons devant la dernière ferme d'altitude, ça devient lunaire et les pierres se dérobent sous nos pneumatiques ; nous progressons régulièrement, en espérant, à chaque virage, découvrir le trou noir du tunnel du Parpaillon ; cette vision se fait attendre longuement au point de nous désespérer parfois tant la fatigue se fait maintenant sentir... Il est treize heures et il est bien temps de se restaurer en observant un temps de repos bien mérité ! ... et puis subitement, c'est le débouché sur l'esplanade finale avec un tunnel en plein centre qui s'engouffre sous la montagne ; c'est pour nous l'apothéose ! Le rêve devient simplement réalité... La réalité, il faut aussi la voir au travers de la température ; pas question de déjeuner sans préalablement se vêtir chaudement. Nous avons bien transpiré dans l'ascension, mais ici, à 2650m, face à la cheminée ventilée qu'est le tunnel, il convient de prendre la tenue d'hiver. Nous apprécions de l'avoir prévue, même si parfois, on a tendance, en pareille chevauchée, à s'alléger au maximum. On ne consent pas une telle expédition, sans passer l'autre côté du tunnel, même si c'est hasardeux de part l'absence d'éclairage et la présence d'ornières béantes ; nous adoptons des éclairages de fortune pour aller découvrir l'autre versant qui permet de rejoindre La Condamine-Châtelard ; le paysage y est tout aussi grandiose mais nous n'avons pas le loisir de nous y attarder à cause du froid. Nous retraversons le tunnel, en étant souillés par les éclaboussures à force de rouler dans les trous d'eau ainsi que par le suintement de la voûte du tunnel ; c'est finalement avec soulagement que nous retrouvons la lumière naturelle pour aborder une descente fulgurante vers Crévoux et Embrun. Nous observons un bref arrêt à la Chalp pour savourer une bonne bière, échanger nos premières impressions et quitter nos tenues d'hiver ; nous sommes euphoriques, au point de pratiquer quelques exercices musclés sur le chemin du retour, notamment dans la dernière montée entre le pont sur la Durance et le bourg d'Embrun ; dure journée certes, mais combien merveilleuse !... avec pour finir, un dîner très apprécié pris à l'hôtel du Lion d'Or, bien au chaud, alors que dehors il tombe à nouveau des cordes... Finalement, je dirai que le Parpaillon est bien tel que nous l'imaginions ; il faudrait surtout qu'il ne change pas. La première partie est bien goudronnée, et de ce fait très praticable ; on l'apprécie d'autant que les pentes y sont raides et que les muscles ont besoin de bien s'échauffer. Ne changeons rien également, au caractère sauvage de la deuxième partie ; ça serait dommage de revêtir un chemin qui fait le bonheur des cyclo-montagnards et des randonneurs pédestres. De même il faut laisser en l'état le tunnel du Parpaillon ; son côté surprenant et mythique vaut à lui seul l'escalade. Michel NAU N°2825 de COUZEIX (Haute Vienne) |