Le dernier qui l'a fait à vélo à mis trois mois à s'en remettre !

Cette expression qui en interpelle plus d'un parmi nous, concerne le Ballaghisheen Pass.

Rassurez-vous : pour les habitués des cols que nous sommes, les efforts consentis pour venir à bout des quelques rampes à fort pourcentage du Ballaghisheen s'estomperont de vos mollets en moins de trois mois, mieux, en moins de trois jours, sûrement même en moins de trois heures !
Je vous raconte ça plus en détails.

Réveil matinal dans le magnifIque camping en terrasses surplombant la mer, à Caherdaniel. L'air est frais, le soleil est encourageant. Le Coomakesta Pass sert de mise en jambes. On se croirait en Corse, à grimper une route qui serpente en bordure de la côte mais tout est bien vert. Dans la descente, la vue sur les îles Skillen est merveilleuse dans le soleil matinal.

Waterville. Il faut tourner à 90°, dos à la mer, pour remonter un interminable fond de vallée sans grand intérêt. Puis, d'un seul coup, la végétation change, les prés laissent place à la forêt, la pente se fait plus forte, avec de sérieux "coups de cul". Deux lacets en 32x23 et la pancarte convoitée du Ballaghisheen apparaît au bout d'un étroit défilé. La descente vite avalée vous conduit sur un plateau avec l'impression d'être à 1500 m d'altitude dans les Alpes. Quoi ! L'altimètre ne fonctionne plus ? Il indique seulement 40 m ! Pas le temps de se poser de question. La route repart vers le ciel pour franchir le frère du précédent : le Ballaghbeama Gap. Suit une descente d'abord rapide sur une route étroite qui devient plus agréable ensuite. Quelques kilomètres plus tard une montée franchit une nouvelle crête mais aucune mention, sur un panneau ou une carte, ne permet d'affirmer qu'il s'agit d'un col. Passé le village de Sneem, le retour ne sera qu'une formalité.

Mais je m'aperçois que j'ai oublié de préciser l'essentiel : Tout cela se passe en Irlande.
J'en vois déjà qui font la moue et qui protestent :
"- C'est pas un pays de cols !"
"- Il y fait toujours un temps à ne pas mettre un cyclo dehors !"
"- Il nous a bien eus avec son titre prétentieux !"

Certes, il y a publicité mensongère, mais si,en titre, j'avais choisi quelque chose comme "Trois cols en Irlande" ou "Altitude 309 au pays des moutons", vous auriez tourné la page sans me lire, n'est-ce pas ? Alors que cette phrase extraite du Guide du Routard* a dû, du moins je l'espère, attiser votre curiosité. Certes, elle est surfaite pour trois cols d'altitude respective 309, 304 et 259 mètres. Même en convertissant en pieds, on ne dépasse pas les 1000 ! Le Routard préfère 1a marche à pied plutôt que le vélo !

Vous avez raison aussi sur les autres points. On ne se rend pas en Irlande comme on va dans les Alpes ou dans les Rocheuses pour faire des cols. Notre but était touristique et familial avant d'être centcolistique. Mais l'Irlande compte tout de même une bonne quarantaine de cols. Alors, quand on est sur place et qu'on dispose d'un vélo, on ne résiste pas au plaisir d'un circuit épinglant quelques cols. Des cols qu'on ramènera en souvenir, au même titre que le pull des îles d'Aran, l'Oyster beer dégustée dans un pub de Dublin ou le CD de harpe celtique.

Quand on a décidé de franchir un col irlandais, le problème est de le choisir. L'altitude ne sera pas un critère, le plus haut ne dépassant guère les 500 m. La météo par contre vous facilite l'élimination. Finalement, c'est le hasard qui décidera : un jour où on a le temps, une étape dans un lieu "stratégique", une mention amusante dans un guide touristique, le soleil, la proximité du plus haut sommet de l'île, des noms originaux... Il n'en faut pas plus pour 95 km de bonheur et trois cols dans des paysages inoubliables.

* Guide du Routard " Irlande " - Ed. Hachette - éd. 2000/2001 - page 271 n

Daniel SAUZET N°3752

de TAIN L'HERMITAGE (Drôme)