L'envie m'était tombée dessus sans prévenir : profiter des derniers jours de septembre pour gravir un des seuls cols routiers alpins manquant à ma collection ; je veux parler du col de la Cayolle. L'aventure ayant été rapidement mise sur pied et dès le visa de sortie délivré par mon épouse, le 29 septembre au petit matin, je quittais Barcelonnette accompagné d'un soleil un peu pâlichon. Dès la sortie de la ville, je rattrape un compagnon de route paraissant assez âgé (enfin... plus que moi), étranger (nous n'avons échangé qu'avec un anglais de cuisine), bardé de lourdes sacoches et finalement très sympa. C'est à cette catégorie de cyclos que je tire habituellement ma casquette. Sa compagnie est des plus agréable mais, malheureusement, lui veut monter à Allos et moi, à la Cayolle. Nous nous séparons donc à la bifurcation d'où il ne me reste qu'une trentaine de kilomètres pour atteindre mon objectif. Le ciel est sans nuage, je possède un moral d'acier et me sens physiquement bien dans cette aventure qui doit être à priori, la dernière de ma carrière cyclotouristique. C'est à ce moment là que je reçois un coup terrible au moral : un panneau, placé là depuis peu, indique tout net " Route barrée - Circulation interdite ". Imaginez ! Moi qui ai lâchement abandonné un foyer bien douillet, entamé un voyage en voiture de 1500 km, sacrifié un budget relativement lourd ; tout cela pour venir butter sur un panneau ridicule ! J'en ai les jambes coupées, mais je m'obstine à progresser. J'interroge le chauffeur de la benne arrêtée un peu plus loin ; d'après lui, aucune chance de passer, car au km 6, le pont est en réfection. Je supplie le plus humblement possible celui qui me semble être le chef de chantier, de me laisser traverser. Il m'aboie un " Oui ", bien inamical, qui me remplit de joie. Du coup, de l'autre côté, je me sens comme soulagé et retrouve tout mon bel enthousiasme. La montée est des plus agréable, offrant pas mal de temps de récupération et de plus, pas de véhicules motorisés, vu que la circulation est interdite. Je ne croise que quelques marcheurs qui descendent du refuge situé à mi-col et de petits troupeaux de moutons qui m'obligent à stopper pour leur laisser poursuivre leur chemin. Après quelques prises de vues sur de joueuses marmottes, j'arrive à ce très beau col de la Cayolle (2327m). Je poursuis à travers la caillasse jusqu'à l'ancien col, tout près du charmant petit lac, puis, j'entreprends la descente sur Barcelonnette. Je n'avais pas fait plus d'un kilomètre, qu'en freinant à l'entrée d'un virage serré, j'entends une explosion à l'arrière. Ma jante avait rendu l'âme ! |
A force de freiner sur des sentiers non goudronnés, elle s'est fragilisée. Maintenant que je sais que je ne trouverai pas de véhicule salvateur, vais-je devoir me résigner à descendre à pied durant les 30 km ? Je remplace quand même ma chambre à air éclatée et ne gonfle qu'à moitié. Ça tient ! Je me hisse sur la selle d'une fesse hésitante et largue les amarres. 50 m, 100 m, ça tient toujours sauf que, presque à plat, je risque de bousiller ma chambre, mon pneu et ce qui me reste de jante. Après une bonne vingtaine de kilomètres qui me semblent interminables, nouvel obstacle. Je butte cette fois sur un énorme troupeau de moutons qui, lui aussi, redescend dans la vallée. A l'arrière plusieurs bergers se consultent et se demandent de quelle manière je vais bien pouvoir passer. Serrés flanc contre flanc, entre la paroi rocheuse et le garde-fou, les bêtes forment une véritable marée ovine dont le premier tournant cache la suite, et ainsi de suite... De peur de m'assoupir avant d'avoir fini de les compter, je m'acquiers du nombre auprès du premier berger. Il m'annonce plus de 1500 têtes qui couvrent pas loin du kilomètre. Je finis par m'infiltrer dans le flot des bêtes craintives et, (à contrecœur) à coups de roue avant (la meilleure), je devance mètre après mètre, ces animaux très affolés. C'est seulement en arrivant vers la moitié du troupeau et entre deux virages, que je réalise de l'absurdité de la situation. Je n'aperçois à l'avant et à l'arrière que des dos beiges ! Pour parvenir à la tête du troupeau, il me faudra compter une bonne et grande vingtaine de minutes, sans parler de tous les risques encourus. Je parviens enfin au pont en réfection ; celui-ci me retiendra encore une dizaine de minutes. A partir de là, je rejoindrai Barcelonnette sans encombre où le vélociste local (et sympa) me prêtera sa roue arrière personnelle équipée d'un boyau, qui me permettra de poursuivre, le lendemain, les belles randonnées de la vallée de l'Ubaye. Alain BERJOT N°2832 de SAINTE-MAURE (Aube) |