Flûte de flûte... mon petit tube de savon à barbe est pratiquement vide et, à moins de subir les affres de sérieuses remontrances familiales, je n'ai plus le temps de faire un saut au magasin le plus proche pour en acheter un... Tant pis... J'improvise. J'opère une remise à niveau en insufflant dans le récipient, presque vide, une partie du contenu de la grande bombe du gel journalier que j'utilise hors randonnées. Ce sont sûrement des produits très proches car ils partagent la même couleur bleue et sont tous deux fabriqués par la même société d'instruments tranchants et de cosmétiques. Puis, la trousse de toilette utilisée dans mes randonnées vélo, promptement incorporée dans une des sacoches, sort complètement de mes préoccupations du moment. Le lendemain matin... 200 kilomètres plus loin... Le bip-bip pointu de la montre me tire d'un sommeil pesant. L'habituel petit coup d'œil par la fenêtre me réveille définitivement... Il fait beau, tant mieux. Personne dans la salle de bain commune du modeste hôtel où je fais étape, c'est parfait, j'occupe les lieux. J'ouvre ma trousse de toilette ! Ah ben ça alors... que lui est-il arrivé ? Le récipient en plastique renfermant ma crème à raser a pratiquement triplé de volume. Gonflées, comme les 650 d'Henri Bosc, les parois de la chose m'intriguent au plus haut point, d'autant que l'altitude relativement modeste du lieu n'explique pas l'inquiétant phénomène. Tant pis j'ouvre... on verra bien... Aïe ! Aïe ! Malheur de malheur ! Un gargouillement diarrhéique se fait entendre et, alors qu'une odeur épouvantable se répand dans la pièce, un puissant jet verdâtre de matières grumeleuses s'échappe de l'étui. |
Défiguré par l'intempestive éruption, le miroir de la salle de bain renonce à réfléchir. Pire... une traînée blanchâtre et dégoulinante, balafre la grisaille d'un plafond qui n'en demandait pas tant. Essayons le gant de toilette pour remettre un peu d'ordre. Si la glace se laisse faire, le plafond, trop heureux de l'aventure, abandonne sans regret une épaisse couche de poussière accumulée depuis des lustres. Non mais... ça va pas ! Je fais un voyage itinérant... je ne bosse pas au noir ! Je réglerai le problème avec la patronne au petit déjeuner. Après une solide collation, destinée à m'aider à braver l'adversité, j'aborde avec moultes précautions et maintes explications, le petit problème posé par mon volcanique savon à barbe. J'ai l'indéniable plaisir d'entendre l'hôtesse me susurrer : "Ne vous inquiétez surtout pas, cela fait des mois que je tarabuste mon mari pour qu'il entreprenne un lessivage en règle de la salle de bains. Vous m'offrez là un nouvel argument, je vous en remercie." Amplement rassuré, j'ai pu, en toute quiétude, quitter ce lieu où, bien involontairement, j'ai expérimenté une terrifiante arme chimique. D'ici que les agents d'un certain pays, entre Tigre et Euphrate, enlèvent votre serviteur pour en savoir plus... il n'y a sûrement qu'un pas. Pour conclure... je conseille aux cyclos d'Annecy de s'éloigner, autant que faire se peut, d'une usine bien connue de la région, là où les composants de ce gel mystérieux sont justement assemblés. René CODANI N° 1882 de LARDY (Essonne) |