Il est midi à Ste-Enimie, ce 22 août, lorsqu'est donné le départ de la "Bébert". Mais, alors que quelques semaines plus tôt, quelques 10000 cyclos se pressaient au départ de l'Ardéchoise, nous ne sommes que cinq serrés à l'ombre d'un saule, à pique-niquer comme de nombreux touristes à cet endroit. Vers 13 heures, nous enfourchons enfin nos vélos et prenons la route très encombrée de la Malène. Après 13 km et un premier "arrêt-fontaine", un virage à droite nous mène sur la redoutable côte qui conduit au plateau. La fournaise et les premiers kilomètres à 14 % rendent cette première ascension assez pénible. Heureusement, Albert a eu la mauvaise fortune de rouler dans une bouse fraîche et son vélo s'en trouve fortement embaumé : un "arrêt-toilette" s'impose dans une ferme et nous en profitons pour récupérer. Nous roulons maintenant sur le Causse dont le silence austère contraste agréablement avec le tumulte des gorges du Tarn. C'est ensuite la descente vers le Sabot de Malepeyre et La Canourgue très animée. Après un deuxième arrêt-fontaine, nous prenons la route de l'Aubrac. St-Pierre de Nogaret marque un premier palier dans cette longue ascension, puis nous faisons une halte rafraîchissante dans un café de Trélans. Un chasseur fort bavard nous instruit des choses de la nature : nous apprenons, entre autres, que le fruit des amours coupables entre un sanglier et une truie produit un animal redoutable ... L'ascension se poursuit vers Les Hermaux entre les pâturages odorants où s'activent les paysans. Enfin, vers 19 heures, nous parvenons au col du Trébatut, terme de notre première étape. Aligot, "estoufade de boeuf" et autres délices du terroir nous tiennent à table jusqu'à 21 heures. De nombreux touristes se renseignent sur notre périple et se montrent vivement intéressés par le côté insolite de notre randonnée. Notre départ est un peu retardé par la réparation de l'éclairage de Serge : il a lustré son vélo avec tant d'énergie qu'il a arraché quelques fils ... Christian répare de main de maître et c'est reparti. La nuit est maintenant tombée, nous montons le col de Bonnecombe et notre faible allure donne à nos phares la puissance de vers luisants. Au col, à 1350m d'altitude, la nuit s'annonce fraîche mais superbe. Jean y va de son cours d'astronomie et nous apprenons que Vénus, Jupiter puis, plus tard, Saturne nous accompagneront au milieu d'une myriade d'étoiles. Vers minuit, nous arrivons à Nasbinals où le café est encore ouvert, mais nous préférons cette fois l'eau de la fontaine. La lune se lève et sa pale lueur éclaire un peu notre route. Nous faisons un arrêt photo au col d'Aubrac avant de prendre la direction de Laguiole. |
Les ascensions sont silencieuses, les descentes sont rythmées par le chant des dynamos. Très souvent, des troupeaux entiers de vaches ou de chevaux, courent près de nous le long des clôtures (chacun son public ! ). A Laguiole, sous les yeux effarés de quelques noctambules, nous posons devant le célèbre taureau. Une petite route sinueuse et vallonnée nous mène vers la vallée du Lot. Elle nous semble bien longue car la fatigue commence à se faire sentir et la descente est enfin la bienvenue. A St-Côme, nous franchissons le Lot et pouvons, au clair de lune, admirer le curieux clocher du village. Encore quelques kilomètres pas vraiment plats et nous arrivons chez Jean à Palmas. Il est 5 heures du matin. Un solide déjeuner aux tripous et un peu de repos nous permettent de recharger nos batteries. Après cette halte réparatrice, le jour est maintenant levé et nous pouvons entreprendre la dernière étape qui va nous ramener à Ste-Enimie. C'est d'abord une route calme dans la belle campagne aveyronnaise puis, après La Canourgue et un dernier arrêt, le retour sur le causse vers Laval-du-Tarn. Il ne reste plus qu'à plonger vers Ste-Enimie par la vertigineuse descente de Cabrunas. Il est midi : nous avons fait 240 km. Emile et Christian auraient bien fait un deuxième tour, Serge n'en revient pas d'avoir bouclé un tel circuit avec si peu d'entrainement ; Albert et Jean sont contents d'avoir fait évoluer la diététique sportive. Pourquoi étions-nous si peu nombreux ? Certes, l'organisateur ne donnait pas de maillot, pas même de bidon... Certes, les temps étaient pris au cadran solaire ce qui, pour une nocturne, n'est pas très sérieux... Certes, les ravitaillements proposés s'éloignaient quelque peu de la mode cyclosportive... Pourtant que la montagne, la nuit, était belle... Christian GÉRARD N°3185 D'ALÈS (Gard) |