Devant ... l'Aventure !

Vernet les Bains. Il est 7 heures du matin, un ciel sans nuage et une température douce laissent présager une belle journée. C'est parti. Derrière moi, le camping encore endormi et devant ... l'Aventure !

L'itinéraire emprunte une charmante petite route peu pentue, boisée à gauche, dégagée à droite, me laissant entrevoir la vallée du Têt. Une descente de 2 km et j'entre dans le village de Sahorre. Un virage à gauche et je m'engage dans la vallée du torrent "Rotja". Cette vallée très encaissée me conduit à Py par un faux plat d'une pente infèrieure à 5 % ; la route longe de près le torrent, 2 ou 3 voitures me croisent ; cette route est en cul de sac, elle se termine à Mantet à 10,5 km de Py dans la descente du col ... de l'autre côté !

Py : dès les premières maisons, c'est du 2 chevrons vers le haut. Tout à gauche, et vite ...finie la rigolade, dommage, je trouvais que je grimpais bien ... un replat à gauche "Arrêt" : c'est le moment de vider la boîte d'ananas, de se goinfrer de raisins secs, de mettre le nez dans l'Isostar et de s'alléger au maximum.

La pente moyenne du col de Mantet est supèrieure à 9 %. C'est en 28x26 que la route défile lentement, très lentement sous mes roues, quelques essais en 28x23 mais cela ne dure pas. En contre bas : des lacets très serrés, car la route s'accroche à flanc de montagne, et en dessous dans l'ombre, le village.

Dans un virage, alors que je bricolais avec mon dérailleur, première chute sur la route fraichement goudronnée.
C'est dangereux les gravillons ! ... me lance un automobiliste au passage
M'en parlez pas ! ... Et tout en marmonnant entre les dents, je ne changerai plus de vitesse jusqu'en haut, 28x26 c'est bien ... ! Il faudra que je répare ce dérailleur.

Ah ! de la compagnie. Trois cantonniers nettoient la route ( mieux vaut tard que jamais ). L'un d'eux me voyant, traverse la route en courant. Oh là là ! pas la peine de courir, vous avez largement le temps de traverser à la vitesse où je vais ! Eclat de rire général.
Plus que 1,5 km de difficile et après c'est tout bon ! me précise l'un d'eux.
Le col de Mantet : 1751 m. Une bonne chose de faite.

Maintenant fini le goudron, il faut trouver la route forestière... Après quelques hésitations (car je n'ai que la carte au 1/200000 et un schéma), ce ne peut être que cette allée à gauche derrière la barrière, il va falloir redoubler d'attention : je suis seul, je n'ai pas de carte détaillée (1/25000 par exemple), pas de pneu de rechange (20 mm à l'avant, 23 à l'arrière) et l'orage qui menace !

La route carrossable (R1) monte gentiment : 2 % environ, la vie est belle et c'est chouette le vélo ; je me surprends à chantonner. Tiens! une barrière? un paturage. Qu'est-ce que je vais trouver ? Les sens en éveil, je laisse vagabonder mon imagination. Quelle sérénité, quel calme, quelle solitude! Mais au fait où est-ce qu'ils les ont mis leurs ours ? Une masse fauve, imposante, là-bas, près du chemin. Qu'est-ce que c'est ? Une jeune vache ; ça y est, je suis dans le troupeau! La route redescend. Oh que je n'aime pas çà ; sur ma carte au 1/200000 un torrent est indiqué. Cest ça! c'est la bonne direction.

Oh là ! à droite dans la pente, ce sont des "pis" que je vois se balancer au gré du broutage ! D'un air dégagé, faisant celui qui n'a rien vu, je continue ma route d'une pédalée vigoureuse, jetant de temps à autre un coup d'oeil par dessus l'épaule pour voir si les taureaux et les vaches ne chargent pas.

Ah ! un choix à faire entre deux directions : à droite ça monte ! ça doit être là. 28x26 sur un chemin caillouteux, torturé par les orages. D'une ornière à une bosse, zigzagant entre les pavés, la progression est laborieuse et bientôt ponctuée par une chute supplémentaire. Sur quelques dizaines de mètres, le chemin a été emporté par un orage, il faut descendre de vélo et le pousser (R2). Lors d'un orage, ici, ce doit être terrible : pas d'abri et dans cette montagne pelée il ne doit pas faire bon se balader; un coup d'oeil en arrière me rassure : les nuages sont encore loin, mais il faut que je sois au sommet avant midi et là-haut je rencontrerai peut-être quelqu'un. Maintenant, je n'accroche qu'une seule pédale car les alternances R1-R2 sont de plus en plus fréquentes ; encore quelques lacets me conduisent, pédalant, marchant, courant, au col des Roques Blanches (2252m), une courte montée et c'est le col Vert (2282m), petite descente au col du vent (2229m), petit détour pour le col des Voltes et le col de Boucacers (2281m) ; c'est en descente que sera franchi le col de la Roquette (2083m) : le 6ème 2000m de la sortie.

Je ne suis plus seul : des randonneurs sont là, surpris de voir un cyclo émerger du côté ouest. De beaux points de vue, mais de Canigou, nenni ! Il est masqué par le Puig Roja, le Puig des Tres Vents. Du col Vert, il est possible de redescendre dans une autre vallée au sud vers Prats de Molo.

La descente commence un peu en dessous du col de Boucacers. Ce n'est pas une descente-récompense que l'on fait en chantant : des pavés partout et de la pente, le guidon dit de course n'est pas adapté. Les poignets, les avants-bras, les épaules, les cervicales ... tout est douloureux, et à la vitesse de 7 à 9 km/h, les kilomètres sont "longs". Un couple de vététistes monte en poussant leur machine. Plus bas, j'accoste deux charmantes dames afin de connaitre la suite de mon calvaire.

Ah ! vous êtes en vélo de course ! nous pensions que vous étiez en VTT; le refuge de Matiailles est à 2 km environ ; c'est là que nous sommes hébergées et nous montons sur le plateau tous les jours mais pas aujourd'hui car l'orage menace. Après le refuge c'est facile.

Le refuge de Matiailles, enfin ! Le parking du refuge est plein : c'est l'un des départs vers le Canigou (une balade pédestre que nous effectuerons le lendemain). Plus de pavés, une route forestière en terre, lisse mais coupée tous les 100 m par une large et profonde rigole qui oblige les voitures à rouler au pas. A 25 km/h, les kilomètres passent plus vite. D'après le topo, je passe aux cols du Cheval Mort et de Creu, mais je ne les vois pas !

Je retrouve le goudron au col de Jou (1125m) et j'ai enfin ma descente-récompense : le coeur léger et la face hilare...

André BESSON N°2769

de NEMOURS (Seine et Marne)