Le relief du lieu est modeste, le Puy de Sancy ferait figure de Mont-Blanc. On grimpe quand même tous les jours, parmi des cultures peu exigeantes ou de vastes solitudes pelées. Il y a aussi de beaux vestiges romains pour ceux qui aiment, et du vent, du vent, du vent qui à l'occasion vous emplit de sable les oreilles et les yeux. N'oublions pas le joyau unique que recèle ce pays, à l'instar du Loiret... Peu m'importait sa conquête, tant cela roulait bien sur la P.14, en ce beau jour de mai. Les oliviers étaient déjà loin, les gisements de phosphates, vagues souvenirs de nos livres de géo, approchaient. Peut-être n'y pensent-ils plus, me disais-je, mais c'était mal les connaître. Renseignements pris dans une maison quasi abandonnée, on fit demi-tour et, d'une voiture sortie sur la droite, quelqu'un nous dit que c'était bien là le bon chemin. Le "bon" chemin ! O ironie du mot ! Les jantes des VTT disparaissent immédiatement dans le sable rouge, comme du vulgaire 700C. En peu de temps, Henri a disparu lui aussi, avec son énorme sac et son vélo qui a connu des jours meilleurs. Henri, c'est l'athlète du trio, le cuisinier, l'enragé chasseur de cols qui s'en voudrait d'avoir raté celui-là. Loin derrière, on s'arrache du sol sous le soleil qui cogne ferme. Au sommet, l'échappé attend. Sous une ombre chiche, grignotement et bibition d'une eau tiédasse enrichie d'hydroclonazone (pénible nécessité) avant de plonger en visant les cailloux les moins pointus... Ce n'était pas le sommet... en témoigne une diapo où un être tout petit a renoncé à enrouler son 24x28 dans une pente trop rude pour lui. Au dessus de lui, une falaise ocre et des éboulis piquetés de plantes rares. En lui, une foi qui ne déplace plus des montagnes et des questions philosophiques sans réponses comme : Que fous-je ici ? Comment aimais-je si fort la montagne et si peu les montées ? etc... J'arrive enfin. Sur mon bureau, une belle photo nous montre tous trois alignés au sommet. Calé sur un rocher, l'appareil d'Henri nous a pris sur le faîte. |
Les cascadeurs sont repartis. Je m'offre un ou deux arrêts pour me dégourdir les poignets. Au fond, il n'est pas mal, ce col. L'eau saisonnière a créé des colorados miniatures. Marâtre nature a semé dans les fonds des lauriers roses, miraculeuse beauté au milieu de cette négation de toute vie apparente. Une Sierra dentelée s'étire à l'infini dans le couchant. Le chaos s'éloigne, la piste devient chemin. Henri a cassé quelque chose et rafistole. Ce carrefour énigmatique est-il celui de la carte (au 1/1 000 000... Il n'y en a pas d'autres!) Des ouvriers nous mettent sur la route du village proche. Une famille en carriole passe. L'âne s'arrête, placide, pour compisser abondamment la poussière. Le village apparaît au bout d'un chemin facile, parcouru dans une paix biblique. Suit la routine des fins d'étape: ravitaillement, recherche d'un sol propre et abrité ; longue, trop longue causette avec les jeunes gens du cru. Nous attendent encore des palmeraies, d'autres pistes cahoteuses, d'étranges paysages rocheux, ces imprévus bénins, des cols peut-être... Mais si l'on en croit la carte, nous avons franchi le seuil du pays ! Sans doute parce que le blanc abonde au sud du 35 ème parallèle et que l'on peut aisément écrire son nom. Il est légèrement à l'écart de la route qui relie Sfax à Gafsa. C'est le col du Haddège. Non, le Tizi n'Haddège, dit Michel, concepteur de l'itinéraire. Un peu de couleur locale pour faire oublier l'altitude plus que modeste de cet Izoard pré-saharien : 400 mètres. Marcel BIOUD N°12 de COUBLEVIE (Isère) |