La plaidoirie (que j'approuve totalement) de notre ami Philippe Meyer dans la revue n°25 (1997) concernant l'article 3 de la "règle du jeu" de notre Confrérie (obligation de présenter au moins 5 cols de plus de 2000m par centaine) me rappelle au bon souvenir de mes 157 cols au dessus de 2000m dont le nombre va bientôt devenir insuffisant car mon capital cols augmente assez régulièrement. Donc, il va falloir me remettre de nouveau à l'ouvrage après, entre autres, les campagnes suisse, italienne et américaine (Colorado). Avec un certain enthousiasme, pour le moment, avant d'affronter les fameuses et célèbres pistes et sentiers aux alentours de Tende (Alpes Maritimes) qui regroupent quelques bonnes poignées de 2000, je me plonge attentivement dans la lecture des précédents articles de la revue annuelle qui, ma foi, me semblent très utiles pour déterminer certains choix. J'en conclus qu'il est préférable d'effectuer le parcours en deux étapes soit, plus de kilomètres, et nécessite de transporter des bagages, mais en contre partie : pas de galère en vue, chrono à la main, tout en sachant qu'en ce début d'automne le jour est plus court qu'en été. Je pourrai ainsi mieux profiter du paysage et faire de nombreux clichés, en somme : avoir l'esprit libre et sans contraintes. Samedi 27 septembre : après un assez long périple en train, avoisinant les 1200 km, à partir de la capitale, me voici à Tende (06) altitude : 800m, qui sera le point de départ de mon circuit, pour une cure d'oxygénation, riche en cols.Dimanche 28 septembre : première étape : Tende - Limone Piemonte : 53 km, 8 cols dont 4 à plus de 2000m. Départ 8h, arrivée 15h30, durée 7h30 arrêts compris. Ce matin le soleil joue à cache-cache mais il ne pleut pas et la température est de 15° à Tende. L'itinéraire que j'ai choisi menant à la Baisse de Peïrefique (2030m) est en quelque sorte parallèle à celui quittant Saint-Dalmas via Castérino (entièrement revêtu). Le mien est plus court et aussi plus difficile, la marche à pied sera de rigueur sur un tronçon épouvantable. Il évite le détour de 6 km par la Baisse d'Ourne (2040m) ainsi que la Colla Mégiana (1760m) et il est certainement plus calme côté automobiles (je ne croiserai qu'un bûcheron en tout et pour tout). Revenons au départ, la chaussée que je pensais non bitumée, selon les écrits, est goudronnée, mais mal : ce n'est pas du luxe! mais je m'en contenterai. Pour combien de temps ? Suspense! La route étroite monte agréablement par de longs lacets à travers les bois de feuillus, de conifères. L'air est doux en ce début d'automne, mais pas franchement chaud, certes. Pas question de s'abreuver excessivement, les fontaines ne m'ont pas indiqué leurs positions. Après une heure d'ascension, j'atteins la maison cantonnière, terme de la chaussée revêtue qui laisse place à la caillasse. Je n'insiste point et mets pied à terre pour une marche dépassant une heure. Au poteau 353, un court crochet de 5 km (aller et retour) sur une piste convenable pour empocher la Colla Mégiana (1760m) atteinte par un court sentier herbeux. De retour vers le poteau 353, la piste continue à être médiocre mais pas pour très longtemps: jusqu'à la Baisse d'Ourne (2040m) (poteau 356) où le décor grandiose apparaît comme par enchantement au sortir de la forêt. L'altitude ne varie plus guère jusqu'à la Baisse de Peïrefique (2030m) où la piste devient roulante et c'est peu après, vers les anciennes casernes que j'effectue de nouveau un court crochet à pied (1 km) car la Baisse de Barchenzane (2075m) ne se refuse point. Retour vers la piste sur le VTT cette fois, et, ce n'est pas un mirage : la route est goudronnée sur quelques kilomètres, un court plaisir. Je retrouve avec un certain délice une bonne chaussée, très roulante c'est pourquoi je m'en donne à coeur joie sans trop me méfier et ce qui devait arriver arriva. Je pince mon gros pneu : une erreur de jeunesse, c'est bien la première fois, après tant de pistes parcourues ; maintenant j'ai bien retenu la leçon. Passé le fort de la Marguerie, la pente refait son apparition jusqu'au col de Pernante (1898m) où il est encore temps d'effectuer un détour par la Baisse du Péru (2079m). Un sentier en grande partie roulant mène au pied d'un cirque impressionnant. Retour au col de Pernante. Le col de Tende (1871m) n'est plus qu'à une poignée de mètres ainsi que le col de San Lorenzo (1801m) que je dois retrouver le lendemain, au départ d'une invraisemblable série de cols à plus de 2000m. Pour le gîte du soir, il me faut malheureusement redescendre assez bas et ma préférence va du côté italien, pour deux raisons toutes simples : moins de kilomètres et de plus la chaussée est goudronnée ce qui n'est pas le cas côté français tout au long des nombreux lacets menant vers Tende. Peu avant Limone-Piemonte (1200m), l'hôtel "Edelweiss" au bord de la route, m'accueille pour une bonne nuit réparatrice, et il me faut du repos en vue de l'incroyable itinéraire de demain. |
Lundi 29 septembre. Deuxième étape : Limone-Piemonte, St Dalmas de Tende: 88km. 20 cols dont 14 à plus de 2000m. Départ 6h45 arrivée 18h05, temps 11h20, arrêts compris. Pour cette grande et difficile étape, il vaut mieux prendre ses précautions, c'est pourquoi je démarre dès 6h45 dans la pénombre. Je remonte au col de San Lorenzo (1801m), franchi la veille, soit, une bonne heure d'ascension dans la brume, la chaussée étant goudronnée jusqu'au col. La "piste aux étoiles" (les 2000m) débute ici. Elle n'est pas bonne du tout. Passé le col de Cannelle (1882m), je franchis allégrement le col Campanino (2142m), le colletto Campanino (2187m), le col de la Perle (2086m), le col de la Boaïra (2102m), le col de Chevolail (2235m), le col de Marguareis (2085m), à travers un décor fantastique et un silence impérial qui fait un peu oublier l'état désastreux de la piste m'obligeant à marcher de temps à autre. Après le col des Seigneurs (2111m), on pourrait prendre un coup au moral en apercevant la montée contournant la Cime de Pertègue à proximité du Passo di Flamalga (2179m) dont je tiens à préciser qu'il se trouve bien à l'écart (1 km) de la piste principale. Mais la descente qui s'en suit sera une vraie réjouissance. Pour la première fois depuis le départ, la piste change de nature ainsi que le paysage au delà du col de la Celle Vieille (2099m). Les pins égayent un peu plus le tableau, jusque-là sec et rocailleux. C'est un régal et les kilomètres défilent à vitesse grand V, tandis que les vaches font sonner leurs cloches comme pour me souhaiter la bienvenue. Au sortir de la forêt, passé le Passo della Porta (1819m), à la première bifurcation à droite : aucune indication, mais avec une bonne carte et un bon sens de l'orientation on ne peut guère se tromper pour monter très sèchement vers le Passo Tanarello (2045m). Et comme j'ai du temps devant moi, à la borne indicatrice, je pousse à gauche pour une variante qui vaut bien son pesant d'or, tout d'abord par le Pas de Basera (2041m) et le Pas du Saccarel (2145m), peu avant le monument (une statue de"Il Redentore"). Il est 13h55, la météo est toujours bonne et je vais pousser le bouchon un peu plus loin à partir de la chapelle au pied de cette statue , un sentier va me faire jouer à saute-moutons. Tout d'abord, j'ai la surprise de découvrir un nouveau col non catalogué : la Sella della Valletta (2046m) indiqué par le panneau du circuit AV, puis près du refuge de San Remo, le Margharita di Tanarello (2078m) avant de descendre au Passo di Garlenda (2021m). Le retour à la chapelle pratiquement à pied sera assez pénible malgré un court dénivellé mais, peut-être, une dose de fatigue après plus de 8 heures de VTT. Atteignant de nouveau la borne indicatrice, il ne me reste plus qu'une dernière difficulté, les 600 derniers mètres du Pas de Tanarel (2045m). J'avais un peu tort car la descente sur le Pas de Collardente (1599m) via le col de la Lariée (1956m) va se révéler infernale dans sa première partie, même à pied ça use les souliers. Au col, deux choix s'offrent à moi, pour rejoindre la Baisse de Sanson (1694m) : la piste principale côté italien et la piste forestière en sous-bois côté français. J'opte pour la seconde plus sympa et sa chaussée en terre dure se révèlera plus roulante que l'autre et ses petits cailloux. La Baisse de Sanson atteinte, je pousse un grand ouf de soulagement, il est 16h55: encore un dernier effort pour dévaler la piste sur le col Linaire et le vallon du Ru (bonjour les bras) pour conclure cette journée mémorable à St Dalmas de Tende à 700m. Ma montre indique 18h05. Je suis en moi-même un peu fier d'avoir réussi mon pari : effectuer la boucle de Tende en deux étapes, une promenade (et oui !) en haute altitude sur des pistes et sentiers, tantôt attrayants, tantôt exécrables, dans un univers fabuleux et silencieux, tandis que la chasse aux cols a été très fructueuse : 28 cols dont 18 à plus de 2000m. Mais les options du parcours peuvent être variées : en une ou deux étapes, je conseille deux, ce qui laisse la possibilité de mieux apprécier le paysage, de pouvoir effectuer de nombreuses variantes et de laisser ainsi sa montre au rancart. Mais, je vais sacrifier encore à l'obligation imposée par l'article 3 du règlement de notre Confrérie. Ayant encore quelques jours devant moi, je vais poursuivre ma moisson de 2000m autour de la vallée des Merveilles sur des sentiers "crapuleux". Aux sommets des cols je vais de nouveau entendre les réflexions sous forme de quolibets telles que: "Cela est absurde de monter à pied avec le vélo comme fardeau!" m'obligeant à expliquer le but de la Confrérie : franchir à bicyclette des cols. Les auteurs des quolibets n'ont pas tout à fait tort ! Charles WINTER n°1835 de LEVALLOIS-PERRET (Hauts de Seine) |