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Col des champs 2093 m

Revue N° 21 Page 48

Eté 1992. C'est dans le petit village médiéval et estival d'Annot, chef-lieu de canton des Alpes de Haute Provence, à 600 mètres d'altitude, que nous décidons, avec Roland, de passer les vacances. Ce lieu pas innocemment choisi. En dehors de son aspect très pittoresque, à proximité de la haute vallée du Verdon, aux prairies verdoyantes et au climat sain, il y a, à peu de kilomètres, des grands cols : Allos, la Bonette, la Cayolle et les Champs. Vous l'avez compris, notre objectif est de franchir à vélo ces fameux cols à plus de 2000 mètres. Pour Roland, c'est un "remake" mais, mais pour moi, mes premiers grands cols dans les Alpes.

Ces géants ne s'apprivoisent pas sans entraînement, aussi, la première semaine, nous faisons quelques ballade autour d'Annot avec les cols de Toutes Aures, la Colle Saint-Michel, de Félines, etc. En vacances, la forme vient vite et après quelques sorties, avec de l'entraînement, l'habitude de l'altitude et l'accoutumance à la chaleur, nous partons faire l'ascension du Col des Champs.

Dans une sortie précédente, nous avions fait Annot - Guillaumes par les superbes gorges de Daluis. Quel enchantement à vélo! Aujourd'hui, c'est Guillaume - Col des Champs. Hier soir, j'étais un peu anxieuse : allais-je arriver au sommet, vaincre ce fameux col aux pentes sévères? Mais au départ, sur mon vélo, une certaine détermination m'habite : il faut franchir ce col car c'est le premier et d'autres sont au programme. C'est donc pleine d'entrain que je parcours la première partie qui mène de Guillaume à Saint-Martin d'Entraunes. La, pique-nique et plein d'énergie... Il m'en faudra...

L'ascension est immédiate au panneau lumineux qui indique "Sommet du col à 17 km". Nous étions à 1000 mètres d'altitude et nous avions donc 1093 mètres d'élévation à effectuer. Très vite, en deux ou trois lacets, le village apparaît dans sa totalité et déjà loin au-dessous de nous. C'est dire le pourcentage de la route! Il fait chaud mais le départ ombragé à travers une forêt de mélèzes facilite notre montée. Il y a bien quelques fraises des bois sur le bord de la route mais j'hésite à m'arrêter, craignant de ne pas avoir le courage de repartir tant la pente me semble abrupte.

Au fur et à mesure que nous montons, Rolland, Claude et moi, ma moyenne baisse car le profil de la route n'offre jamais, à mon goût, assez de temps pour se ressaisir. Et puis, le paysage est si beau, que je me laisse partir à rêver et les jambes appuient moins fort sur les pédales. Un petit palier, près de la Chapelle Saint-Jean, précède la partie la plus raide de la journée, au droit du hameau de Pra-Pelet. La pente est rude, l'ombre est rare et les mouches me piquent. Je m'en veux de ne pas rouler plus vite car ce doit être moins gênant!
Enfin un peu de plat vers Chastelonnette. Rolland, bien devant moi, bavarde avec un vacancier, cyclotouriste lui aussi, par hasard. Cette halte est la bienvenue pour me désaltérer, me reposer un peu pour pouvoir repartir de plus belle pour les huit derniers kilomètres. Le cyclo de rencontre nous informe que la deuxième partie est plus facile. Ah bon !...

En effet, après un tout petit kilomètre de plat et même de descente ça monte à nouveau et le col que je commence à apercevoir me semble bien loin encore. Nous traversons une station de ski où des touristes, assis à la terrasse d'un café, nous regardent passer. La vue s'élargit, s'agrandit avec l'altitude, offrant des paysages minéraux très tourmentés mais également des pelouses alpines où pâturent des centaines de moutons et où coulent petits ruisseaux aux eaux limpides mais écumantes.

Ma détermination d'arriver au sommet est toujours là, bien présente et, bien que fatiguée, je ne veux pas marcher car c'est à vélo que je veux franchir ce sommet. Nous passons à côté d'une bergerie d'altitude où les moutons, les bergers et les chiens sont venus à pied en transhumance; ils sont partis de Valensole en empruntant tantôt les pistes et les chemins et tantôt les routes. Dans le lacet suivant, Rolland qui a pris un peu d'avance sur nous, m'attend assis sur un rocher et, arrivée à son niveau, j'en profite pour en faire autant. La fatigue commence à me gagner et déclenche une petite colère, un mouvement d'humeur plutôt qui me donne un court instant l'idée d'abandonner. Mais l'envie d'arriver au sommet est plus forte que la déprime et je repars bien vite pour les deux derniers kilomètres, dans une pente qui doit friser les 10% !

L'air vif de l'altitude me revigore, d'autant que Rolland me dit, grâce à son altimètre, que nous avons franchi les 2000 mètres et je sens le sommet tout proche maintenant. Nous changeons de versant, la route ne monte plus. Quel bonheur, j'y suis! Le panneau sommital attendu est là devant moi et nous prenons bien sûr plusieurs photos souvenirs en attendant Claude qui arrive bientôt, tout heureux lui aussi d'être arrivé au sommet de ce col qu'il redoutait tant, lui qui avait moins d'entraînement que moi. Et puis, nous plongeons vers la vallée, dans une descente grisante et très rapide qui ne nous permet pas d'apprécier les paysages comme nous l'avons fait au long de la montée. Nous retrouvons bientôt Guillaume et la voiture qui nous attend pour rentrer au camping d'Annot. Comme je suis heureuse d'avoir réussi ! Mais y serais-je arrivée sans les conseils et les encouragements de Rolland? Savoir partager avec les autres sa joie, ses impressions et permettre qu'un grand nombre de cyclos et de cyclotes arrivent, grâce à ces conseils, à se surpasser, je crois que c'est ça, pratiquer l'art du cyclotourisme.

Mauricette ROMERO N°3408

La Voulte (Ardèche)


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