Nous quittons Saint-Etienne à 4 heures moins 10 pour l'exploration du " Parpaillon forézien ", au nombre de sept : Urbain, Zizi, Marcelle COTTAT et M. MOUNIER ainsi que deux de leurs camarades, Margot et Lily. Avant d'arriver à la Fouillouse, je commençais la série des bûches, la roue étant en réfection, et le jour plutôt long à venir, je ne vis pas le gravier et c'est dans ce dernier que je me trouvai allongé avec une formidable douleur dans les paumes des mains, et le lundi, la douleur s'était transformée en bleu. La Fouillouse, la Gouyonnière sont traversées à petite allure, et à Bouthéon une autre catastrophe nous attendait : après avoir passé le passage à niveau de cette ville, M. MOUNIER casse sa fourche, fait un superbe soleil, mais par bonheur n'a pas de mal. Nous lui conseillons d'attendre le train qui passe à 6 heures et demie et de retourner à Saint-Etienne. C 'est d'ailleurs ce qu'il fit, il resta une heure et demie à faire la causette avec le chef de gare, ces derniers sont paraît-il très intéressants en conversation lorsqu'ils n'ont rien à faire. Nous traversons Andrézieux, Saint-Marcellin et en route pour Boisset-Saint-Priest. En chemin, nous doublons la famille BULLOT, accompagnée d'un autre cyclotouriste. Arrivée à Saint-Priest, nous avons bu un grand café au lait dans une toute petite tasse : et nous repartons pour Margerie, nous redoublons la famille BULLOT et jusqu'au col de la Croix de l'Homme Mort, la côte est régulière mais longue. Arrivés au sommet, nous prenons la descente sur Saint-Anthème où nous arrivons à 8 heures moins 10. Nous cassons la croûte, envoyons des cartes et allons à la messe . Comme nous sommes arrivés en retard, nous restons derrière la porte, bien calés, mais subitement l'espagnolette lâche, nous faisons en cadence tous six un pas en arrière, et prenons le fou rire. Nous sortons car Monsieur le Curé commence à nous regarder de travers. Nous prenons nos machines et en route pour Valcivières. En sortant de Saint-Anthème, nous croisons trois Saint-Chamonnais qui avaient fait le col dans l'autre sens, et dont nous avons trouvé la carte de visite au sommet du col. La route s'élève graduellement tout d'abord au milieu des prairies grasses où l'herbe et les fleurs sont abondantes, viennent ensuite les pâturages et les bois. Nous trouvons ainsi des plans de gentiane, à moins que nous sommes dupés car cette plante ne croit en général qu'entre 1000 et 1300 m. Enfin, la route est taillée en creux dans la montagne, au milieu de la bruyère et des genêts, nous trouvons une cabane construite avec des branches et des mottes d'herbes, dans laquelle nous prenons 10 bonnes minutes de repos en attendant Urbain, Margot et René. Lorsqu'ils arrivent, nous partons plus loin et nous arrivons sur un plateau où les sources ne manquent pas : nous buvons très peu car l'eau de montagne est très froide. Nous roulons encore un moment sur nos bicyclettes, la route descend tout d'abord lentement, puis brusquement, et c'est à ce moment que nous descendons de machine et que nous les faisons suivre à la main. La route qui est transformée en un vulgaire sentier descend dans une vallée au fond de laquelle passe un tout petit ruisseau. Sur ce dernier on voit les ruines d'un pont en construction : je prends une photographie et nous traversons la rivière sur des planches qui se trouvaient là. Nous montons à travers la montagne et trouvons un Thiernois qui faisait lui aussi le col en solitaire et dans le sens contraire. Plus gracieux que les Saint-Chamonnais, il nous adresse la parole, nos donne les avis sur la fin de la traversée, et nous en demande pour ce qui lui reste à faire. |
Part temps couvert comme celui que nous avons pour cette excursion, je crois que l'impression de solitude et de tristesse est encore plus grande et plus pénétrante que lorsque le ciel est bleu et que le soleil brille avec éclat de tous ses rayons. Nous arrivons bientôt au milieu de la bruyère, il n'y a que cela tout autour de nous. Pour les personnes qui ont fait les montagnes de la Margeride qui ont environ la même altitude, on trouve une grande ressemblance entre ces deux vieilles chaînes de montagne usées par les siècles. Nous errons une bonne heure dans cette lande inculte sillonnée par de petites crevasses allant jusqu'à un mètre de profondeur. Nous apercevons dans le lointain le Sancy, mais c'est en vain que nous cherchons des yeux Valcivières, nous ne le voyons pas car nous avons trop obliqués sur la gauche de Pierre sur haute. Nous trouvons une bonne vieille à laquelle Marcelle et Zizi demandent des renseignements mais la demoiselle n'a pas reçu le don des langues et ils ne la comprennent presque pas. Nous nous séparons, les uns à la recherche du col, les autres à la recherche de Valcivières, et nous nous retrouvons dans le vulgaire sentier qui descend à la route. Ceux qui ont vu le col, ont vu la carte de visite des trois Chamonnais, piquée dans un vieux parapluie dont le manche était cassé : c'est d'ailleurs à ce moment que nous avons fini par identifier " ces trois changements de vitesse " que nous avions trouvé à la sortie de Saint-Anthème Le chemin où nous sommes descend sous bois, il est pavé avec de grosses pierres branlantes et malgré toute notre bonne volonté, on entend es craquements sinistres : c'est la plainte et la seule complainte garde-boues heurtant les briques. La forêt est composée de fayards, petits, tondus, serrés les uns contre les autres, de telle sorte que les branches supérieures et leurs cimes sont emmêlées dans un fouillis inextricable. A force de suivre le chemin, nous arrivons à la route et c'est avec joie que nous remontons sur nos bicyclettes, quelques minutes après nous débarquerons (ou plutôt débicyclettons) à Valcivières : il est exactement 1 heure 10. Vite nous cherchons un café où nous buvons l'apéritif, mangeons et buvons bien ; ce dîner fut suivi du traditionnel café et le patron nous offrit une tournée de marc. De ce pays nous envoyons des cartes postales à quelques cyclotouristes. Nous tirons deux photographies et vers 3 heures 15 nous partons pour Ambert. En route Urbain crève, on répare en vitesse car la pluie menace. C'est la fête à Ambert, je monte avec Urbain dans un manége d'automobiles. Ensuite nous partons de nouveau pour Saint-Anthème. A la sortie d'Ambert, la côte nous attend, nous montons allégrement et joyeusement vers le col des Pradeaux qui ne fut pas trouvé trop pénible. Arrivés au point culminant, la pluie menace, nous mettons les imperméables et descendons sur Saint-Anthème. M.C. éclate à 500 de cette ville. Zizi et Urbain prennent les devants pour aller réparer le premier boyau et nous continuons la route tout doucement puisque M.C. marche à pied. Arrivés à Saint-Anthème, nous buvons bière et limonade, mangeons un morceau de chocolat et la réparation finie, nous tournons l'Homme Mort à l'endroit et la descente sur Saint-Marcellin s'effectue sans aucun incident. Nous mangeons un peu à Saint-marcellin car il est 8 heures moins le quart. M.C. achète un flambeau et c'est avec la nuit que nous retraversons Andrézieux-Bouthéon, La Gouyonnière, La Fouillouse et à 10 heures un quart nous arrivons à Saint-Etienne. Je crois bien qu'à 11 heures, nous devions tous être couchés, pour notre part, mon frère et moi, nous l'étions après avoir mangé une bonne soupe et bu une infusion pour tout faire digérer. Signé : Melle Marguerite Viala Récit transmis par Michel Almanzor (Amicale Cyclo-Clermontoise) |