C'est un grand classique mais, comme pour le divin Mozart, point trop n'en faut, car il finirait par perdre son charme et pourtant il en a, le bougre !... Aussi, grâce à la superbe carte IGN (Briançonnais), l'idée de le gravir, par un chemin détourné, semée au printemps, a germé en Juin et fleuri en Juillet dernier, sous un magnifique ciel bleu. Comment donc, au départ de la Durance, atteindre cette sommité sans passer, ni à Arvieux, ni à Cervières ? La question a été posée au cours de vacances familiales à Pelvoux où la perte de poids, si nécessaire, est assurée quand les jours pairs s'en vont, parents, enfants, sacs, piolets, crampons, vers les glaciers faire des cols blancs genre Sele ou Pyramide et que les jours impairs, en principe de repos, l'on va en solitaire taquiner du braquet, Granon et ses frères, les cousins italiens de Sestrière ou le bucolique Anon. Donc, départ Pelvoux, but Izoard, via le col des Ayes, ingrédient supplémentaire constituant le sel de cette randonnée. Un peu d'inquiétude de se lancer seul, bien que ce soit tout de même un GR et qu'il y aura bien toujours quelqu'un. De toute façon, pour les anciens de notre confrérie, ce col, qu'ils ont sûrement tous faits, n'est sans doute qu'un vague souvenir d'un col muletier, rétrospectivement d'une grande facilité. Pour le candidat du moment, c'est une belle difficulté, heureusement, comme toujours, ce sera la joie de la découverte qui sera le vrai moteur pour animer un prudent 32x28. Dés Villard-St-Pancrace, la première rampe démontre que le choix du braquet était le bon. Une alternative se présente : les Ayes direct par le GR (5km) ou par le Mélezin (10km) ; option prise pour la deuxième solution, la grimpée paraît plus douce et surtout plus forestière. C'est vrai, et de surcroît, personne. C'est long mais très joli et bien praticable. Au hameau du Mélezin, il faut redescendre et perdre 150m de dénivelée mais pas de regret, car le GR aurait certainement été très raide. Nombreuses maisons au village des Ayes avec pas mal d'estivants, un replat bien agréable qui autorise le 32x24 puis le 21. Quelques lacets goudronnés, à nouveau un replat, celui de l'Orceyrette avec de nombreux ruisseaux. Toujours la forêt, cela monte bien, il faut marcher un peu quand le terrain est trop rugueux mais dans l'ensemble c'est bon. Après une source d'une fraîcheur exquise, viennent les alpages avec le berger traditionnel au bout du chemin, toujours ravi d'échanger quelques paroles. Maintenant c'est alternativement l'herbe ou le chemin, puis la caillasse ; le vélo, il vaut mieux le mettre sur l'épaule. Pour marcher, les légères chaussures cyclo à 500g la paire ne valent pas les " trappeurs " à 2 kg la paire avec semelles Vibram. Cela donne l'impression de marcher sur des œufs, à côté de la veille. Prudence, petits pas et voilà le col, bien content d'y être arrivé. Une pause bien méritée, discussion avec des marcheurs pour savoir si la descente sur Brunissard est longue ; pas trop disent-ils évasivement. En tout cas, il y a un névé qu'il faudra traverser et il est un peu incliné, cela cause souci. Et pourtant il y a quelques jours, toute la famille recherchait les névés pour dévaler le col de la Pyramide vers le refuge du glacier Blanc ! |
C'est vrai que l'habit ne fait pas le moine, mais les chaussures font bien le montagnard et aujourd'hui le cyclo est dans ses petits souliers. Il faut faire appel à un marcheur sympathique qui assure le passage afin d'éviter la glissade sur ce névé qui, une fois franchi, paraît bien petit ! Un chaleureux merci et une descente toujours prudente, à petits pas, avec un superbe panorama, permet d'atterrir sur le chemin pierreux de Brunissard. A peine le pied posé sur ce chemin, un marcheur, à fière allure, qui redescendait d'une autre direction, arrive et accorde un regard mêlé de suspicion à cet original absolument hors norme en ces lieux. Sans un mot, et pour bien montrer que le " mécanisé " aurait mieux fait de laisser son engin à la maison , il s'en va à grandes enjambées. Un premier essai de roulage, mais le chemin est très pierreux et le paysage trop joli pour se presser, alors le cyclo marche et est vite distancé. Le " concurrent ", enfin celui qui se veut tel, prend une jolie avance, qui s'accroît encore quand il dévale un pierrier qui lui évite 3 lacets. Le cyclo, lui, ralentit franchement, cela pour accorder un total crédit à la thèse de l'incongruité d'un vélo en ces lieux. Le marcheur ne sait pas et ne saura jamais que l'objet de son ressentiment vient de Pelvoux, mais pour l'instant, il lui fait, en son for intérieur, une démonstration par a+b qu'il ne faut pas mélanger les torchons et les serviettes, c'est-à-dire les vrais montagnards et les rigolos qui en sont encore au tricycle. Mais à l'orée de Brunissard, malgré tous les raccourcis, la jonction est faite, puis le dépassement, pour le laisser retrouver sa voiture qui paraît être une prothèse bien plus encombrante pour rentrer à la maison qu'une petite bécane. Il reste encore l'Izoard, bof, une formalité, surtout qu'après Brunissard et sa " plaine " cela ne paraît pas bien long. Toutefois, tout à la découverte, il y a eu négligence d'alimentation du moteur qui, s'il avait été muni d'un témoin réservoir, clignoterait sûrement " vide " ; plus grave : l'épicerie du village a été manquée, vous pensez, le but est si proche ! eh bien, malgré l'abondance des globules rouges du moment, c'est le 32x28 qui sauvera l'imprudent. Un paquet de gaufrettes miraculeusement conservé sera le seul viatique. Inouï comme cela se digère vite les gaufrettes ! Un peu avant la Casse Déserte, un spectacle affligeant a été évité de justesse : celui d'une quête piteuse auprès de touristes automobilistes, germains semble-t-il, qui attaquaient de monstrueux sandwiches (oui, cent cols, chers frères et chères sœurs : MONSTRUEUX...). L'espoir, c'est le sommet, mais il faudra payer l'erreur grossière de débutant en acceptant l'humilité du 32x28 jusqu'au bout. Pour un grimpeur honnête qui se mesure au Ventoux chaque année en emmenant sa petite montre, c'est une belle leçon ! Il est bien gentil ce vendeur de souvenirs car il a en plus des tartes aux myrtilles ; l'affamé n'avait d'yeux que pour elles. L'Izoard du 3e type, c'est pas du gâteau ! G. Delafontaine Club Cyclo. Bagnols-Marcoule |