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Cyclotouriste à tout prix

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Ce jour-là, en dépit des incertitudes du temps, malgré un ciel trop bas et une fraîcheur inaccoutumée pour un mois d'août, Arnaud décida de confier son destin à la chance et son âme, à la fascination d'une nouvelle aventure, avec le secret espoir que dans la bataille que se livraient le soleil et les hordes sauvages des nuages, quelques rayons téméraires parviendraient à semer la déroute dans les rangs serrés de l'ennemi.

Le voilà donc parti, le coeur léger, sifflant fébrilement et pédalant avec énergie pour gravir les premiers contreforts du massif qu'il se proposait de conquérir. Rude bataille, sans doute, mais avec le beau temps revenu, quoi de plus naturel pour un cycliste chevronné comme lui ! "Allons-y gaiement !" se dit-il.

... 0 rage ! Depuis une heure environ, il se faisait ainsi mille réflexions, rêvant toujours de chaleur et de lumière, tandis que l'atmosphère devenait suffocante et que s'amoncelaient d'épais nuages d'orage, de plus en plus menaçants. Le vent se leva soudain, tandis qu'au loin, très loin, il est vrai, de sinistres grondements se faisaient déjà entendre.
"Bâh, ce n'est pas possible, je dois sûrement me tromper !"

Mais voici que tout à coup, infernal, embrasant le ciel de tous ses feux, un éclair déchira le manteau de nuages et, telle une explosion gigantesque, un terrible coup de tonnerre fit trembler toute la montagne. Un déluge inouï fondit alors sur Arnaud, plaçant devant ses yeux un écran opaque qui ne lui permit plus de savoir, ni où il était, ni où il allait, électrisé par les rutilantes épées des éclairs qui ne lui offraient plus qu'un jour fugace dont les évanouissements successifs suscitèrent en lui, un étrange malaise.
Une lutte acharnée s'engagea alors entre lui et les éléments déchaînés ; glacé d'effroi, malmené par le vent, fouetté par les torrents de pluie, il lui sembla soudain que le monde basculait et que l'univers où il avait espéré trouver le bonheur, lui était devenu hostile, jusqu'à le menacer dans sa vie même. Le ciel faisait battre tous ses tambours pour soumettre l'homme terrorisé à sa tyrannie.

Mais lui ne l'entendait pas ainsi et, tel un marin scrutant l'horizon pour y découvrir le phare de sa délivrance, il accrocha ses regards au jour parcimonieux qui lui renvoyaient les éclairs Il avançait avec prudence, presque à tâtons... Après bien des moments d'hésitation, il eut soudain la certitude d'avoir retrouvé son chemin. La pluie commençait enfin à se calmer.

Ragaillardi par l'espoir d'une fin prochaine de son cauchemar, il ne lui fut plus trop difficile de se guider, dans cette demi obscurité de fin de tempête.

Fatigué et dégoulinant d'eau, mais heureux tout de même, il amorça alors le chemin de son retour...

Dominique FRITSCH


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