UN PEU DE CE QUE VOUS AVEZ TOUJOURS VOULU SAVOIR SUR LA CARTE ET QUE VOUS N'AVEZ JAMAIS OSE DEMANDER (ou réponses pratiques aux questions insidieuses de vos Charmants bambins) Une carte, ça se fabrique comment ? C'est le résultat d'un grand nombre de travaux de mesures, de calculs et de dessins. Il faut d'abord se repérer sur la surface de la terre, par des mesures astronomiques (comme un bateau fait le point) et géométriques, de sommet en sommet. Les positions obtenues peuvent être reportées sur la future carte suivant leurs coordonnées, à une échelle donnée. Ce sont les points géodésiques. Pour mettre en bonne place tous les détails qui font la richesse de la carte, végétation, maisons, routes, on utilisait jusqu'en 1930 le «lever direct» dessin sur le terrain par des officiers de l'état major géographes (d'où le nom «carte d'état major» qu'il est incorrect d'employer pour la carte moderne). Aujourd'hui, toutes les cartes se font à partir des photographies sérieuses, convenablement corrigées d'après les points géodésiques. Le dessin en atelier s'appelle la «restitution» des photographies. Enfin, il reste à habiller et imprimer la carte en plusieurs couleurs, en gardant toujours la précision du dixième de millimètre. Pourtant, la terre est ronde, et on ne peut parfaitement la représenter : Si l'on peut représenter une sphère sur un plan de toutes les manières que l'on veut, par des formules mathématiques de transformations, on ne peut pas éviter les déformations, au point qu'aucune longueur n'est jamais parfaitement exacte sur une carte ! Et l'échelle n'est qu'approchée ! Après ces révélations sensationnelles qui vous permettront de snober les copains, précisons tout de même que pour les cartes détaillées (1 : 50.000e, 1 : 25.000e, etc ...), «l'erreur» se monte à quelques centimètres par kilomètre, et ne devrait pas vous empêcher de dormir ! Et le relief sur les cartes, comment l'obtient-on ? Il faut d'abord une convention, pour représenter les différentes hauteurs. Ce sont les courbes de niveau, qui joignent les points de même altitude, celle ci étant comptée pour la France, par rapport au niveau moyen de la Méditerranée pris dans le port de Marseille quand aucune sardine ne le bouche. On obtient ces courbes en examinant en stéréoscopie deux photographies aériennes. La précision du procédé est telle que des photographies aériennes prises à 5.000 m d'altitude permettent d'apprécier des différences de hauteur de moins de 1 mètre. La terre est elle entièrement cartographiée ? Oui et non ! Oui, car il existe des cartes générales, au relief et aux détails approximatifs, de l'ensemble du globe, parfois non disponibles au public. Sont cartographiés : au 25.000e : 15 % du globe (dont la France) au 50.000e : 30 % environ au 100.000e : 70 % environ au 250.000e : 90 % environ au 1.000.000e : 100 % Et la carte est un produit coûteux, d'autant plus que les régions sont plus reculées (déserts, forêts équatoriales). Et les satellites ? Si les satellites sont capables de prouesses d'indiscrétions sur des endroits très localisés, ils ne permettent pas encore d'établir les cartes détaillées et précises auxquelles nous sommes habitués. Sauf en régions désertiques, ils ne remplaceront pas de sitôt l'avion photographe et les équipes sur le terrain. |
Et les cartes routières ? Quand la carte la plus détaillée (la < carte de base> est établie, il est facile d'obtenir toute sa famille de cartes dérivées par réductions photographiques et re dessin qui simplifie les formes, élimine les détails trop petits et nombreux pour améliorer la lisibilité. C'est la «généralisation », dans laquelle un aspect peut être mis en valeur particulièrement : routes, tourisme, végétation... Tous les éditeurs de cartes (Michelin, Recta Foldex, Didier Richard...) se servent ainsi des cartes de base établies par l'IGN dont c'est une des missions de service public en France. Pourquoi les cartes ne sont elles pas à jour ? Une carte vieillit, comme un annuaire téléphonique, surtout par les aménagements de l'homme (constructions, routes, défrichements, abandons de sentiers ...). Sa mise à jour, faite à l'aide des photographies aériennes les plus récentes, bientôt à l'aide des satellites, et des enquêtes locales, n'est payée qu'en partie par les ventes, surtout pour les cartes détaillées au 25.000e et 50.000e. Leur actualisation dépend ainsi étroitement des crédits alloués à l'IGN pour ce travail moins de 3 F par Français et par an pour les 6.000 cartes couvrant le territoire national ! Le mieux, ce serait d'interdire purement et simplement les constructions nouvelles quand la carte vient d'être refaite... ! Pourquoi tous les cols ne sont ils pas sur les cartes ? Pour que les cartes ne deviennent pas aussi peu lisibles que le journal officiel, les enquêteurs sur le terrain qui recueillent la «toponymie» (les noms de lieux) procèdent à une sélection pour ne garder que les noms les plus importants en particulier les lieux habités. Evidemment, si ces enquêteurs étaient au club des 100 cols... ! Et c'est la raison pour laquelle le col de Megève a laissé sa place à «Megève> écrit en caractères gras... la loi du plus fort. Y-a-t-il des erreurs sur les cartes ? L'erreur est humaine, donc ça peut arriver. En fait, plutôt que des erreurs, il s'agit de défauts de mise à jour (la maison qui manque n'était pas construite au moment de la prise de vues aériennes quia été utilisée), d'omissions volontaires (dans un but de clarté) ou de choix subjectifs (il y a plusieurs orthographes possibles pour certains noms de lieux et il faut choisir !) En cas d'erreur, écrivez à l'IGN qui en tiendra compte dans sa prochaine édition, à Michelin, etc... Inutile d'intenter un procès si vous vous êtes perdu, ça ne marche pas ! Que faire si j'habite près du coin d'une carte ? (j'en achète quatre fois plus) La science n'a pas encore réussi à faire des cartes sans coins ni bords et pourtant on cherche activement et il vous reste deux solutions - pester contre les organismes mesquins qui, sous prétexte d'éviter le gaspillage, fabriquent des cartes qui se raccordent sans se recouvrir ; - déménager, c'est plus efficace ! Méfiance pourtant, car habiter au centre de la carte au 200.000e NE 29.24 de Mauritanie vous conduira à vous considérer comme victime d'une redoutable escroquerie : on vous vendra (cher) un magnifique cadre contenant uniformément du jaune sable ! (D'après certains humoristes contemporains pourtant, rien c'est déjà quelque chose !). Question subsidiaire Pourquoi si peu de gens, somme toute, utilisent ils les cartes ? On ne sait pas pourquoi il reste tant d'attardés. Et si vous en connaissez, je compte sur vous pour leur faire honte. Si vous avez réussi à apporter les réponses à toutes les questions, vous avez gagné une magnifique carte de la ville d'Annecy à l'échelle du 100.000.000ème, sous la forme du point final que voici. Philippe GIRAUDIN PARIS |