Revue N°5 page 21
UN SEUL OBJECTIF
C'est aujourd'hui le 21ème jour de notre "Tour de France Randonneur".
Jour après jour, j'ai découvert différentes images, différentes habitudes et coutumes de la France.
Depuis deux jours, grâce à Robert, je fais la connaissance des Pyrénées, montagne fière et austère, aux pentes aussi brèves qu'abruptes.
Comme ses couleurs sont différentes de mes Alpes aimées...
Aujourd'hui, je vais faire la découverte du plus célèbre des cols du massif : le TOURMALET.
Et dire que ce matin, j'ai failli être privée de ce privilège par une panne mécanique survenue sur le vélo de Robert. Pendant un instant, on a bien cru être contraint d'abandonner notre voyage... Heureusement, grâce à une chance exceptionnelle et à un rafistolage (qui a, d'ailleurs, résisté jusqu'à Chambéry), du genre "Système D", pratiqué par mon Robert sur son vélo "boiteux", on a pu reprendre la route.
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Midi. On arrive au seuil d'Argelès.
Il fait terriblement chaud. Un coin d'ombre providentiel nous invite à notre quotidienne pause pour le casse-croûte. Aujourd'hui, pourtant, contrairement aux autres jours, le menu sera léger car on veut affronter le géant pyrénéen dans les meilleures conditions possibles.
Et nous voilà repartis. Rapidement, nous pénétrons dans les gorges de Luz. Superbes avec ces parois verticales de schiste sombre où s'accrochent quelques broussailles. Cà et là, ruissellent les cascades.
Plus loin, la vallée s'élargit et on retrouve cette chaleur qui nous anéantit. Ce sera pourtant à l'ombre des peupliers qu'on va atteindre Luz.
Un bref raidillon nous aide à sortir de cette charmante localité.
On venait de quitter la ville depuis près d'un quart d'heure, lorsque soudain je m'aperçois que Robert, roulant comme de coutume derrière moi, fait brusquement demi-tour : "j'ai oublié de faire tamponner nos carnets de route" me crie-t-il en s'éloignant rapidement.
Décidément, il sera toujours aussi distrait...
Je continue, momentanément seule, cette lente progression vers la cime.
Peu de temps après, un grincement agaçant (causé par un certain pédalier fixé provisoirement au fil de fer...) m'annonce le retour de Robert. Après quelques lacets, on arrive à Barrèges, ultime ville avant le sommet du col.
Assis sur un banc, un couple nous fait un signe de salut avec la main.
Robert semble peiner pour "passer" cette terrible ligne droite qui traverse la ville. Peut-être n'a-t-il pas tout à fait récupéré de sa magistrale défaillance de l'Aubisque ?
Aux approches du Pont de la Gaubie, Robert me propose une petite halte. J'accepte avec joie, trop heureuse de profiter un peu du paysage et du soleil, après tous ces jours de "course contre le temps". Je me régale en admirant cette superbe vallée du Bastan dans un silence merveilleusement reposant.
Et dire qu'il y a à peine deux jours on était au milieu d'une infernale procession de voitures, avançant péniblement dans une puanteur de gaz d'échappement et d'huile brûlée.
Comme cela me paraît loin maintenant...
Alors que je me laissais bercer par le gargouillis du ruisseau d'Escoubons, qui serpente à travers les pâturages pierreux, un tandem s'approche de nous et nous dépasse. Nous reconnaissons le jeune couple qui nous a salués lors de notre traversée de Barrèges.
Instinctivement, Robert et moi, nous nous levons et reprenons nos montures afin de tenter de rattraper ces deux cyclos. Les rencontres de ce genre ont été tellement rares depuis notre départ que nous ne voulons pas laisser passer cette occasion.
L'air, à présent, est un peu plus frais, sans doute grâce à l'altitude et, de plus, le petit casse-croûte, que nous venons de faire pendant notre bref arrêt, nous a un peu ragaillardis, ce qui permet à nos jambes de retrouver leur vitesse normale et d'enrouler avec souplesse notre braquet de montagne.
La route sinueuse, avec de larges virages, s'élève rapidement dans un décor âpre et désolé.
Soudain, après une courbe, Robert me fait remarquer, d'une voix passionnée, le Pic du Midi de Bigorre.
Subjuguée par cette apparition inattendue, j'oublie, pendant un instant, le tandem qui nous précède et admire cette pointe magnifique surmontée par son observatoire et du très moderne bâtiment qui abrite le relais de télévision.
Un peu plus loin, une borne kilométrique nous informe que le sommet n'est plus qu'à trois kilomètres. Stimulée par cette nouvelle, je redouble d'efforts.
Soudain, Robert, prétextant que sa gourde est vide, s'arrête près d'une cascadelle. Décidément il est incorrigible. Et moi qui pensais que la "leçon" d'hier dans l'Aubisque, lui aurait été profitable !... Comment lui faire comprendre qu'il ne faut pas boire autant lorsqu'il fait chaud comme aujourd'hui ?...
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Bientôt, c'est le sommet. Dans les ultimes lacets, prodigieusement raides, j'aperçois le jeune couple à tandem. Je n'arriverai pas à les rattraper avant le sommet. Tant pis...
Peu de temps plus tard, je rejoins mes deux prédécesseurs.
Finalement, c'est au tour de Robert de "basculer" sur l'autre versant. Le pauvre, comme il semble fatigué...
Le couple à tandem s'approche de nous et se présente. Ce sont deux cyclos hollandais en voyage dans la région pour visiter les Pyrénées. Comme je les envie ! Comme je voudrais faire comme eux !...
Après une boisson au refuge du col, nous quittons nos amis d'un moment pour poursuivre notre route vers... ALBERTVILLE.
Robert a raison, on n'est pas venu ici pour musarder (du moins pour cette fois...). Aujourd'hui et les jours qui vont suivre, nous ne devons avoir qu'un seul objectif à l'esprit : terminer notre Tour de France et rejoindre Albertville dans les délais.
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Pourtant, il faudra bien que l'on revienne ici un jour prochain pour faire comme nos amis hollandais.
Ce sera peut-être notre prochain projet ?
Colette BRISSAUD de La Tour du Pin (38)