Revue N�1 page 25
" DIAGONALE SUISSE 1972 "
de Robert LEBOURG, de St-JUST (51)
Septembre 1972
Press� par mes amis P� de Paris, de participer � la c�l�bre marche internationale de Romanshorn d'o� ils revinrent enchant�s en 1971, je viens de me d�cider d'y participer dans les d�lais impartis. Nous sommes d�j� � l'or�e de l'arri�re saison, quand on sait que pour nous cyclos (enfin pour moi) le mois b�ni est le mois de Juin aux courtes nuits.
Bien que ce ne soit pas le sujet de ma narration, je vais tout de m�me en guise de pr�ambule, dire quelques mots de cette marche. Il s'agit d'un randonn�e de 120 Kms. en trois jours de marche sur les rives du Lac de Constance, � savoir : un jour en Suisse, un jour en Allemagne, un jour en Autriche.
L'effectif des participants �tait le suivant Suisses 316 - Hollandais 277 - Allemands 185 - U.S.A. 63 - Danois 53 - Su�dois 27 - Britanniques 22 - Belges 19 - Italiens 5 - Fran�ais 5 - Autrichiens 3 - Norv�giens 3 - Luxembourgeois 2 - Turquie 1 - Isra�lien 1. Total : 982.
En ce qui concerne la France, on voit que la participation �tait plus que modeste, sans conclure pour autant qualit� rempla�ait la quantit�. Bref, si mon papier tombe sous les yeux du Ministre charg� des sports, ses Services pourront mesurer, l'�norme travail en profondeur restant � faire.
Tr�ve de digression, ce qui a pr�c�d� et suivi cette marche, c'est ma randonn�e cyclotouriste dont je vais dire quelques mots.
.................................................................................
Je suis donc parti de ma Champagne au train de nuit, train qui au petit jour me d�posait en gare de B�le. Premier contact avec le vaste buffet de la gare centrale qui, � plus d'un titre, rappelle celui de la gare de Metz, connu de tous les randonneurs qui passent dans la r�gion..
Par le, pass�, j'�tais toujours empoisonn� aux fronti�res avec la r�cup�ration de mon cycle (sans doute que les gabelous flairaient la contrebande), maintenant �a gaze tout seul ; un bon point donc � l'Europe unie. Ne serait-ce pas plut�t que ma monture est d�fra�chie ?
Il est encore de bon matin et le trafic est d�j� intense quoique bien canalis�. Je remonte somme tout la Vall�e du Rhin et comme je d�sire passer par l'enclave de Schaffhausen (les chutes) je p�n�tre en Allemagne � Waldshut, ma connaissance de la langue allemande me servant judicieusement.
Les routes sont excellentes et le site agr�able, comme ce n'est plus la cohue des vacanciers, tout est parfait. Je m'approche de Konstanz o� l�, je suivrai le bord du Bodens�e jusqu'� Romansborn. J'y arrive � la nuit tombante apr�s en gros 180 Km de route !
.................................................................................
Ici se situent les quatre jours p�destres qui feront l'objet d'un r�cit s�par�.
.................................................................................
Tout est fini, les m�dailles et coupes distribu�es,... s�paration apr�s de nouvelles amiti�s forg�es sur la route. Tout de m�me, je suis le seul � �tre venu avec mon cycle que je r�cup�re � la consigne de la gare maritime apr�s les f�licitations singuli�res de l'organisateur suisse.
Pour mon retour, je vais entreprendre une diagonale suisse pour regagner la Haute-Savoie.
Il faut un petit d�lai de r�adaptation pour passer de la cadence marche � haute dose au p�dalage de croisi�re ; il en sera ainsi jusqu'� St-Gallen. Apr�s quoi, je remonte la Toggenburg pour d�couvrir le Lac de Zurich. Un crochet vers le Sanctuaire du c�l�bre p�lerinage de Einsiedeln car je pressens qu'il ne me sera pas donn� de sit�t de repasser par l�. Et c'est la belle ville de Schwyz pour midi, ville fi�re d'avoir donn� son nom et son drapeau � la Conf�d�ration en 1293. Nom intimement li� � ceux d'Uri, d'Unterwalden et de Luzern.
A Br�nnen, je tombe sur le Lac des Quatre Cantons o�, de suite, le paysage change totalement � son avantage ; j'y fais la connaissance d'un Teacher anglais, � bicyclette comme moi et qui se rend tout bonnement en Gr�ce. Une photo fixera notre rencontre � l'entr�e du c�l�bre tunnel d'Uri . Pendant une heure, nous avons convers� dans sa langue, r�vision judicieuse pour moi de mes connaissances et dont la fr�quence n'est pas assez soutenue, h�las ! (depuis les quelques jours o� j'ai r�dig� la minute de ces lignes, j'ai rencontr� un ing�nieur hindou qui se trouve pour 6 mois en stage dans ma r�gion : nous avons convenu de nous exprimer uniquement en anglais, ce qui, je crois, me sera profitable). Je compte bien cette ann�e, me pointer � l'�le de Wright, poussant si possible une pointe�
Voici Altdorf, la patrie de Guillaume (Wilhelm) Tell ; d'un bronze altier, il tr�ne pr�cis�ment sur la rie. Une carte postale pour chacun de mes petits enfants afin de meubler leurs futures archives.
Amsteg la bien nomm�e ! Pourquoi ? Parce que d�s la sortie de la ville, c'est la montagne, l� o� le cyclo change radicalement d'�tat d'�me lorsqu'il a quitt� la vision des lointains pour en d�coudre avec les pentes. Il en sera ainsi jusqu'� Brigue. C'est encore loin et c'est tant mieux !
�tape � Wassen, o� s'amorce la route du Sustenpass, que je ne referai pas cette ann�e. �tape au souvenir agr�able d'ailleurs. Tout en �tant en haute montagne (d�j�), Il y a des graduations dans les difficult�s. Jusqu'� Wassen, on grimpe avec application mais sans surprises ; mais alors de l� jusqu'� Andermatt, il y a Goeschenen, Sch�llenen et le Teufelbr�ck ; toutes des "g�teries" comme dit Jacques Faizant dans ses r�cits. Trois kilom�tres de route enti�rement couverte de structures en b�ton arm� pare-avalanches. Il ne doit pas faire bon dans le coin � la fonte de printemps. Je recommande tout sp�cialement le site aux novices afin de se mettre dans le bain pour le restant de leur carri�re routi�re ....... Je n'ai garde de manquer les clich�s couleur sur lesquels on se penche l'hiver venu. Sans aller jusqu'� dire que cela est dantesque, il faut �tre � pied ou � v�lo pour jouir totalement du site et en conserver le souvenir pour longtemps sur la r�tine.
ANDIERMATT ! Trois kilom�tres de mis�ricorde dans cette cuvette sup�rieure; je souffle un peu en allant visiter une boutique de pierres pr�cieuses, ce qui me ravit toujours. A ce propos, il faut tout de m�me que je signale que lors de mon Tour de France randonneur de 1963 et pr�cis�ment � Mijoux dans le Jura, j'ai regard� toute une matin�e des lapidaires tailler des pierres, m'offrant, pour l'art, un retard de 100 Kms. au bas mot ! .... Que dire de la ville, sinon que c'est un centre mondialement connu o� les riches et nombreux h�tels font en �t� des affaires en or. C'est l� qu'en d'autres temps, vous vous confondez en remerciements si l'on consent � vous faire une petite place ....... dans le grenier !
Mis�ricorde termin�e � R�alp. Il m'est donn� de go�ter � cette viande diaphane des Grisons tr�s �nerg�tique, para�t-il. Je vais en avoir besoin.
Fra�cheur insolite sous le plein soleil ! Vous connaissez ? Il n'y a plus de doute, l'altitude est l�. Si mon Anglais n'�tait pas rest� � Altdorf, c'est l� que nous nous serions s�par�s, lui prenant la Pass du Gothard pour gagner l'Italie. Je ne vais tout de m�me pas d�crire tous mes tours de p�dalier pour me hisser � la Furkapass. Ce qu'il y a de certain, c'est que c'est long et dur l'�ge venu : de courtes pauses � r�colter de magnifiques chardons-soleil ponctuent l'ascension. FURKAPASS 2450 m�tres.
Nous sommes fin Septembre en fin d'apr�s-midi, il y a 20 cms. de neige et la fonte de l'heure m�ridienne est reprise en glace ; il fait tout bonnement - 8�. Le temps de prendre une photo - souvenir et je plonge vers le c�l�bre virage "� toucher" le glacier du Rh�ne semble-t-il. Il y a l� un motard emmitoufl� et moi ; la nuit tombe, vraiment, un monde min�ral que l'on souhaite quitter pour un temps (ces nuits meurtri�res l�-haut que je m'offrais dans ma jeunesse et qui maintenant seraient pure folie pour un vieux briscard).
Lecteurs, accablez-moi si vous le voulez ; c'est sans �clairage et au jug� que je d�boule � Gletsch (� la verticale du Grimsel) pour n'y point trouver de chambre malgr� mon insistance v�h�mente.
Transi et � l'aveuglette, je descends donc jusqu'� Oberwald et sa premi�re lumi�re salvatrice. C'est un h�tel ! Une soupe de gr�ce ?
.................................................................................
Apr�s un sommeil de plomb je suis dans la pente au petit matin. Le temps est radieux. Le ciel d'un bleu intense et les neiges �tincelantes ..... Arr�te ! Regarde ! et tais-toi ! Un clich� sur la Galenstock, il en vaut la peine !
�a descend, �a descend et la chaleur me gagne. Me voici tomb� dans le plein des man�uvres de l'arm�e helv�tique : canons, camions, jets au-dessus de la t�te, rien ne manque. Moi qui sort d'un paradis, quelle chute! Succession de coquets villages jusqu'� Naters o� une fois de plus je vais essayer de r�soudre l'�nigme de la s�pulture de John Tyndall. Un bouquin vieux de 50 ans m'en parlait ! Rien !
Brigue ! Vi�ge ! J'ai retrouv� la circulation auto c'est tout dire : � ne pas d�crire.
STOP ! Ma monture va trouver place � la consigne de la gare. Pour quelques heures, je vais par la cr�maill�re, monter � ZERMATT retrouv� apr�s ...... 14 ans.
Dans mon compartiment, une Anglaise avec qui je converse elle s'est dr�lement gourr�e, la nana, son traveller-check porte Interlaken comme point de chute. �a ne fait rien, je la conduis au S.I. o� on lui trouve une chambre pour la nuit ...... Bon d�ner, bonne soir�e apr�s, fascin� que je suis, avoir contempl� le Cervin de longs moments. Comment ne pas penser avec admiration � ce cyclo qui, par le pass�, a travers� le Th�odulpass pour descendre en Italie � Breuil ! Ce n'est pas un super-muletier, c'est la neige et la glace vive � 100% . ...........
Il est 5 h.45 du matin, j'ouvre ma fen�tre face au Cervin se d�coupant en ombre chinoise sur le bleu de la nuit qui p�lit en levant. Dans quelques minutes, les premiers rayons du soleil vont frapper la cime et ce sera le clich�; que je ne veux absolument pas louper. De la cime � la vall�e, l'ombre de la nuit mettra encore une heure pour se noyer dans le torrent l� en contrebas.
La matin�e sera employ�e � revoir le mus�e alpin et � midi, retour dans la vall�e du Rh�ne. Mais, au fait, j'ai oubli� de d�jeuner !
Sierre, Sion, tout le Valais d�file et bien avant Martigny je n'y coupe pas une fois de plus : l'implacable vent debout comme dans la Maurienne.
�tape quelconque.
Aujourd'hui j'ai gagn� Evian en entrant en France � St-Gingolph ! Puis la rive du lac. Une sacr�e histoire de banque ferm�e me retiendra 2 jours � Evian o� j'ai eu tout le loisir de compter les mouettes des quais ! Deux jours dans un pays me semblent pour moi un si�cle !
Evian/Paris - S.N.C.F. - N'en parlons pas !
Toutefois, pour rester dans le coup, j'ai fait du p�destre dans Paris, le r�cksack aux �paules. Aux Tuileries, un clich� de l'Arc de Triomphe du Carrousel (apr�s celui du Teufelbruck).
Le d�clic signera le mot "finish" !
2 F�vrier 1973
Robert LEBOURG